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Unionistes me paraissent se servir de cette arme plus que les Libéraux. Je remarque une grande affiche coloriée à compartimens. Un compartiment au-dessus duquel est écrit en grosses lettres : Free Trade représente un ouvrier en guenilles qui s’écrie : « What we want is work ; — ce que nous voulons, c’est du travail. » Dans le haut de l’affiche est écrit, en grosses lettres également : « Les Lords ont confiance dans le peuple ; les radicaux n’ont pas confiance en lui. » C’est évidemment le jeu des Unionistes d’accuser les Libéraux d’être des radicaux et des socialistes. Certains incidens leur viennent en aide. C’est ainsi que le parti socialiste espagnol vient d’envoyer une longue dépêche à M. Lloyd George en le félicitant d’avoir fait voter le premier budget socialiste. Je m’imagine que le chancelier de l’Echiquier se serait passé de ces félicitations !


Bath, vendredi 7 janvier.

Le grand meeting organisé hier soir en l’honneur de M. Asquith a eu lieu avec un plein succès. Les deux candidats libéraux avec lesquels j’ai achevé la soirée sont triomphans. Il n’y a pas très longtemps que Bath a été enlevé par eux aux Tories, et d’après le succès de ce meeting, ils se croient sûrs de leur réélection. L’un d’eux connaît la France à merveille. Il a suivi les cours de l’Ecole des Sciences politiques ; il est familier avec les noms et les œuvres de tous mes confrères des deux Académies dont j’ai l’honneur de faire partie. C’est grâce à son obligeance que j’ai pu voir les choses d’aussi près. Je saisis ici l’occasion de le remercier. Soit dit en passant, il est membre d’une société de tempérance et ne boit que de l’eau. Beaucoup de Libéraux font partie de ces sociétés, dont je soupçonne que l’influence électorale n’est pas à dédaigner. J’en reviens au meeting.

La réunion a eu lieu dans un Skating Rink, vaste salle qui peut contenir de 7 à 8 000 personnes. Elle était bondée. La moitié des assistans se composait des habitans de Bath. Les autres étaient venus un peu de tous les côtés, de Bristol en particulier, amenés par des trains spéciaux. Aussi, la ville, si paisible l’après-midi, était-elle en fête le soir. On me mène au meeting dans la voiture des deux candidats. Nous traversons une foule bruyante et grouillante, composée en grande partie de femmes et d’enfans, car les hommes sont déjà à la réunion. Il y en a