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Brighton, samedi 8 janvier.

Autre cloche, autre son, comme je m’y attendais. J’ai assisté hier soir à un meeting unioniste où lord Curzon a pris la parole. Il a été accueilli avec un enthousiasme égal à celui dont j’ai été témoin à Bath, au meeting de M. Asquith ; il a recueilli les mêmes applaudissemens. Une même résolution de confiance a été votée en sa faveur et en faveur de M. Balfour. A Bath, tout faisait prévoir le succès des Libéraux ; ici tout fait prévoir le succès des Unionistes, de telle sorte que, si j’avais la prétention de prophétiser, je serais très embarrassé. Mais je n’ai pas cette prétention et je me borne à écouter et à observer.

De Bath à Londres, où je n’ai passé que quelques heures, de Londres à Brighton, je n’ai fait que lire les journaux pour me mettre au courant. J’admire lu puissance d’information de la presse anglaise. A Bath même, le discours de M. Asquith a paru dans une feuille locale deux heures après qu’il avait été prononcé. Il est reproduit ce matin dans tous les grands journaux de Londres ; mais ce n’est pas le seul discours que j’aie à lire. M. Balfour a parlé à Ipswich, M. Lloyd George dans une des circonscriptions de Londres. Je regrette beaucoup de ne pas les avoir entendus. Mais il aurait fallu être dans trois endroits à la fois. Le discours de M. Lloyd George est sarcastique, violent, moins cependant que d’autres discours de lui. Celui de M. Balfour est infiniment supérieur au point de vue de la composition et de la forme ; un peu subtil peut-être, quand il entreprend de montrer que c’est dans l’intérêt de la démocratie britannique, — à plusieurs reprises il se sert de ce mot qui ne semble point lui écorcher la bouche, — que la Chambre des Lords a rejeté le budget. On me dit que c’est son défaut d’être un peu métaphysique, et je me demande en effet si un discours de cette nature est bien fait pour agir sur les masses électorales. Je crains que les sarcasmes de M. Lloyd George n’aient plus de succès. Mais au point de vue littéraire, la supériorité est certainement du côté de M. Balfour. Son discours est celui d’un homme d’État et d’un chef de parti.

J’arrive à Brighton à six heures. Je suis reçu avec une grande cordialité par une maîtresse de maison dont j’étais totalement inconnu, mais à laquelle j’avais été recommandé. Je vais goûter, pendant une soirée et une nuit, la cordialité et le