voulait percer l’avenir. Tantôt il fait un geste du pied pour marquer le mépris avec lequel il repousse certaines assertions. Sa physionomie est intéressante à observer dans ses transformations rapides. L’expression sarcastique est celle qui domine, mais parfois cette physionomie s’émeut et les larmes semblent un instant sur le point de lui venir aux yeux quand il évoque le souvenir de son père, en s’appuyant de cet exemple, tout en reconnaissant loyalement que celui-ci était resté Unioniste. Je ne puis m’empêcher d’établir, dans ma pensée, une comparaison entre lui et lord Curzon, que j’ai entendu il y a quelques jours. Lord Curzon a, dans sa parole, plus de charme et d’élégance ; M. Winston Churchill a plus de chaleur et de force. L’un est fait pour parler dans la Chambre des Lords, l’autre dans la Chambre des Communes, et chacun y est bien à sa place. M. Winston Churchill a la parole plus distinguée que celle de M. Asquith. On sent qu’il n’appartient pas au même milieu. C’est un grand seigneur qui s’est fait quelque peu tribun, et c’est évidemment à lui que lord Curzon pensait lorsqu’il a fait allusion à Caïus Gracchus. Pour convaincre une assemblée, j’aurais plus de confiance en lord Curzon, mais pour soulever les masses en M. Winston Churchill. Quant à son discours, il le dirige presque tout entier contre la Chambre des Lords, qu’il accuse d’avoir violé la Constitution. A ses yeux, les libertés anglaises sont mises en péril par eux. A ce moment, on entend dans la galerie supérieure une vocifération aiguë. C’est une suffragette qui manifeste. Aussitôt elle est empoignée (je ne puis pas me servir d’un autre mot), précipitée du haut des gradins, et mise assez rudement à la porte par les policemen. Je vois à ce moment passer un nuage sur la figure de Mrs Winston Churchill.
L’orateur, un instant interrompu, reprend. Il met à profit, habilement, un mot assez malheureux peut-être de lord Lansdowne qui, voulant défendre la Chambre des Lords contre le reproche d’obstruction systématique, a dit, après avoir énuméré un certain nombre de bills adoptés par la Chambre des Communes : « We have allowed these bills to pass. Nous avons permis à ces bills de passer. » Et il voit, dans cette expression dédaigneuse, un outrage insupportable. Aussi s’élève-t-il avec force contre le principe d’une Chambre héréditaire, sans se prononcer cependant contre le principe d’une seconde Chambre, mais sans dire comment cette seconde Chambre devrait être composée. Il y