Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 55.djvu/634

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rapport de moi à Dieu, ni à Jésus-Christ juste… Mais il s’est guéri lui-même et me guérira à plus forte raison.

Il faut ajouter mes plaies aux siennes, et me joindre à lui, et il me sauvera en me sauvant. Mais il n’en faut pas ajouter à l’avenir…

Faire les petites choses comme grandes, à cause de la majesté de Jésus-Christ qui les fait en nous, et qui vit notre vie ; et les grandes comme petites et aisées, à cause de sa toute-puissance…


En d’autres termes, il faut être saint. La sainteté, voilà ce que sa seconde conversion a clairement révélé à Pascal ; voilà la réalité nouvelle qui s’est en même temps imposée à son esprit, à sa volonté, à son cœur. Et certes, auparavant, il n’était pas sans connaissance de ces régions supérieures où si peu d’âmes peuvent atteindre, et même il était capable d’en raisonner avec beaucoup de lucidité et de force ; mais il ne s’y était guère élevé que par les seules ressources de son intelligence ; le reste de son âme était demeuré à terre. Cette fois, la grâce a tout envahi, balayé jusqu’aux dernières résistances, et c’est de toute son âme que Pascal s’est porté, et s’est senti soulevé jusqu’à son Dieu. Désormais, plus de vaine dialectique abstraite : l’action ; plus de discussions théologiques inutiles, d’inquisitions, de dénonciations : l’humilité et la charité, c’est-à-dire la sainteté : voilà le vrai moyen, accessible à tous, d’aller à Dieu et de posséder Dieu.


V

Un moment, Pascal va être détourné de sa voie par ses amis de Port-Royal eux-mêmes, puisque ce sont eux qui l’ont engagé dans la polémique des Provinciales. Nous n’avons pas à raconter ici toute cette histoire, bien connue d’ailleurs, ni à apprécier de nouveau les « petites Lettres. » Du point de vue strict du christianisme intérieur, font-elles autant d’honneur à Pascal chrétien qu’à Pascal pamphlétaire et écrivain ? Je ne sais, et je voudrais en être sûr. Quand au reste Pascal aurait eu raison sur tous les points et dans tout le détail de sa polémique avec les Jésuites, il resterait encore qu’il s’est complètement et fâcheusement mépris sur la question capitale de la casuistique. Erreur intellectuelle, dont il n’est pas entièrement responsable, puisqu’on l’a commise autour de lui, mais qui n’en est pas moins significative de sa part. Il n’y a qu’un pur théoricien qui puisse