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soit même à celui de la politique. L’anticléricalisme est donc dans la seconde moitié du XIXe siècle l’article capital du programme libéral. Mais il s’enveloppe dans une formule d’une généralité supérieure, « la création d’une homogénéité matérielle et intellectuelle. »

Les catholiques, en face des libéraux, représentent une opposition fondée sur une tradition, et c’est le meilleur de leur force. Leur clientèle s’est recrutée de tout temps dans le peuple des champs, dans la riche bourgeoisie des villes. Ils ont offert à cette clientèle un cadre d’existences et ils ne demandent à l’État que de toucher à ce cadre le moins possible. Ils se contenteraient en dernière analyse d’une politique de « laisser faire » qui leur profiterait plus qu’à personne en raison de leur possession d’état. Le catholicisme belge est une force réelle. La foi est vivante en Belgique et la fortune des clercs en a bénéficié : de 1846 à 1866, les couvens sont passés de 779 à 1 314, avec 18 000 religieux au lieu de 12 000. Entre le clergé et le peuple, la confiance règne. C’est derrière le curé et la croix à la main qu’on se mutinait au XVIIIe siècle. Il en eût été de même encore vers 1860, surtout dans les campagnes. Ce parti a des chefs et une hiérarchie solide. Il est conservateur, parce que le principe de sa force est dans le passé ; anti-étatiste, parce que tout progrès de l’État s’accomplira à ses dépens ; intolérant, parce que son credo politique est aussi un credo religieux. C’est une organisation de combat qui, pour conquérir des suffrages, utilise toutes les divisions de race, de langue ou d’opinion, qui ne craint point la diversité et qui rapproche les contraires. Les libéraux centralisent et nivellent. Les catholiques décentralisent et différencient : à ce titre, ils sont hostiles au service militaire général qui égalise et qui émancipe. Leur but, défini par eux-mêmes, est d’assurer « l’éducation chrétienne des masses, d’alléger leur sort, de maintenir les bons rapports entre l’Église et l’État, de conserver à la religion son influence légitime. »

Tels sont les termes initiaux de la lutte parlementaire : ils sont d’une rare simplicité. Battus en 1857, les catholiques sont revenus au pouvoir en 1870 avec la passion des représailles. Les ministères d’Anethan et Malon seront donc des ministères de lutte, moins par leur volonté propre que sous la poussée de leurs troupes. Ce sont aussi des ministères de surenchère qui ont pour premier souci de satisfaire les électeurs. Aux Flamin-