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Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 55.djvu/695

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voter une nouvelle loi scolaire permettant aux communes ou d’entretenir une école publique ou d’adopter, — lisez : de subventionner, — une école libre ; imposer à toutes l’enseignement religieux, c’est une entreprise simple et à la portée de tous. Le Roi s’y prête : car, à ce moment, il est pris par son plan congolais et il compte sur les catholiques pour en faciliter l’exécution. Aussi bien les circonstances suggèrent un dérivatif. La crise économique de 1885, les grèves et les émeutes qui s’ensuivent, l’enquête sur le travail ordonnée par M. Beernaert ouvrent la porte à la politique sociale. Léopold II la préconise dans l’intérêt de la paix économique et de la prospérité nationale. Lisez le discours du trône de 1886. Il y est surtout question de « favoriser la libre formation des groupes professionnels, d’établir entre les chefs d’industrie et les ouvriers des liens nouveaux sous la forme de conseils d’arbitrage et de conciliation, de réglementer le travail des femmes et des enfans, de réprimer les abus qui se produisent dans le paiement des salaires, de faciliter la construction d’habitations ouvrières convenables, d’aider au développement des institutions de prévoyance et de secours, d’assurances et de pensions. » Les lois qui sortent de là répondent à des vues de gauche, mais comme elles sont l’œuvre de la droite, elles passent sans difficultés. Toutefois elles posent le problème social et, par suite, elles motivent le socialisme. Un parti va naître qui modifiera profondément les conditions de la lutte sociale et politique.

Le socialisme belge procède de la même cause que la politique sociale de 1886, c’est-à-dire de la crise économique qui, à cette date, a secoué la Belgique. Mais tous les élémens qui le constitueront préexistaient déjà. Depuis longtemps, il y avait à Gand et ailleurs des groupemens ouvriers professionnels. Le développement de la grande industrie, dans les bassins de Liège, de Namur et de Charleroi, avait multiplié ces groupemens et orienté leurs tendances dans le sens collectiviste. Enfin, à Bruxelles comme dans toutes les grandes villes, il y avait un socialisme de presse, prêt à fournir son état-major au futur parti ouvrier. Voilà les trois facteurs qui apparaissent en Belgique ainsi que partout ailleurs. Après le choc de 1886, ils fusionnent, et le socialisme existe comme parti. Comme parti de classe ? Oui sans doute. Mais aussi et surtout comme parti politique. Car il vient d’éprouver, sous les fusils de la garde