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forcer. » Les autres, tel M. Woeste, estiment qu’une telle obligation serait inconstitutionnelle. Il ne s’agit plus du conflit de la jeune et de la vieille droite, de la droite conservatrice et de la droite socialisante : voici qu’apparaissent une droite flamingante et une droite wallonne. Elles pourront, il est vrai, trouver des transactions. Mais ces transactions seront précaires. Car ce que veulent les catholiques flamingans, c’est supprimer totalement l’enseignement du français dans les écoles des régions flamandes ; et c’est précisément ce que n’admettront jamais les catholiques wallons.

D’autres conflits sont plus graves encore, — ceux, par exemple, que provoquent les questions militaires et les questions coloniales. La présence au pouvoir de l’homme de toutes les conciliations, — nous avons nommé M. Schollaert, — va-t-elle atténuer ces conflits ? Nullement. Qu’il s’agisse du Congo, qu’il s’agisse de la loi sur le recrutement, la fissure éclate et ce n’est que par des prodiges qu’on la comble ou qu’on la masque. En matière militaire, la crise atteint son paroxysme. La tradition catholique est nettement fixée. Elle tient en deux formules négatives, l’une en flamand, l’autre en français : Pas un homme, pas un canon de plus ! et Niemand gedwongen soldaat ! Suivez cependant les événemens depuis 1886. Dès ce moment, après les grandes grèves et les conflits sanglans du Hainaut, le service militaire personnel est préconisé même à droite, comme une mesure sociale utile. Toutefois, cette opinion rencontre dans le parti d’énergiques réfutations. Les années passent et le général Hellebaut pose le dilemme en déclarant que le volontariat ne fournit plus les effectifs nécessaires à la défense nationale. Que va faire M. Schollaert, jugé capable entre tous de maintenir l’union des deux groupes ? Louvoyer, oui, sans doute. Mais la force des choses l’emporte bientôt sur les habiletés humaines. M. Woeste proteste en vain. Le président du Conseil, obligé de choisir entre son programme et sa majorité, opte pour son programme et accepte les voix de la gauche. La vieille droite l’accuse de mener le parti à l’abîme : c’est possible. Mais il faut marcher à tous risques, et la loi est votée par la coalition de la jeune droite et des gauches. C’est pour celles-ci, depuis vingt-cinq ans, le premier succès, la première occasion de passer de l’opposition au gouvernement, ou plutôt d’amener à elle le gouvernement. Sera-ce la dernière ?