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en publiant un manifeste, ont usé d’une liberté qui leur appartient comme à tous les autres citoyens ; ils ont, sous leur responsabilité purement civile, usé du droit commun ; ils n’ont pas commis un délit susceptible de provoquer des poursuites pénales… Les évêques ont usé d’une liberté qu’ils n’avaient jamais connue dans ce pays, que nous leur avons donnée, en vertu de laquelle il leur est désormais loisible de s’assembler, — si ailleurs on veut bien le leur permettre, — de délibérer en commun sur leurs intérêts, de s’adresser au public comme tous les autres citoyens, quand ils le jugent nécessaire. » C’est là, en effet, une conséquence de la Séparation. Les liens qui unissent l’Église de France à son chef, à Rome, se sont peut-être resserrés ; ceux, au contraire, qui l’unissaient à l’État n’existant plus, elle jouit du droit commun en échange des bénéfices et des privilèges qui lui ont été enlevés. On saura seulement dans quelques années si cette nouvelle situation est meilleure pour l’État et si sa sécurité y a gagné ou perdu ; quoi qu’il en soit, il faut s’en accommoder. Certains radicaux voudraient, après avoir supprimé toutes les obligations de l’État envers l’Église, maintenir toutes les obligations de l’Église envers l’État. M. Briand leur a déclaré que cela n’était pas possible. Le Concordat était tellement conforme à nos mœurs et sans doute à nos intérêts que, chez beaucoup, l’esprit concordataire survit à sa destruction. Mais il faut choisir : Concordat ou liberté. Ou plutôt le choix est fait, et il faut seulement s’y habituer et se créer une mentalité nouvelle : pour certains radicaux, c’est difficile.

Le second point sur lequel M. Briand s’est prononcé d’une manière un peu moins ferme, mais cependant assez claire, est le suivant. Quelques personnes de bonne volonté, émues comme nous des défauts relevés dans quelques manuels scolaires et obligées de constater la surveillance insuffisante exercée sur ces petits livres par les conseils cantonaux ou départementaux, et même par l’autorité académique, se sont demandé s’il n’y aurait pas lieu de faire entrer des élément nouveaux dans ces conseils, des pères, peut-être même des mères de famille, enfin des élémens familiaux, à côté des élémens universitaires et politiques qui les composent aujourd’hui exclusivement. Il y a là, en effet, le germe d’une réforme facile à faire, qui donnerait satisfaction aux familles et désarmerait les critiques dont les échos du Palais-Bourbon viennent de retentir. Qu’on pense M. Briand ? « On nous a dit, a-t-il déclaré, que dans la circonstance les évêques, indépendamment de leur devoir professionnel, se faisaient les interprètes des droits légitimes des familles. Ce n’est pas moi qui