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Révolution était sur le trône, qu’il était incroyable que le Roi donnât tort aux nobles contre les communes et qu’il dégradât ainsi ce qui l’entourait ; que tu devais savoir cependant, par l’expérience de la Révolution de France, combien il était dangereux de donner raison au peuple qui n’a déjà que trop le désir d’abaisser la noblesse, et qui, après avoir détruit les nobles, n’a jamais manqué de renverser les trônes. Les ambassadeurs en disaient publiquement leur opinion, et, si ton ambassadeur n’était pas Napolitain et courtisan, il t’en aurait parlé. L’Empereur m’en ayant parlé un jour et ayant trouvé cela extraordinaire, je lui dis : « Votre Majesté devrait bien en écrire au Roi ; » il me répondit : « C’est son affaire et non la mienne ; qu’il s’arrange comme il l’entend dans son royaume. » Je ne vis que trop bien dans cette réponse que l’Empereur voulait te laisser faire, parce que, s’il désire un jour réunir Naples, il lui convient que les nobles soient mécontens et reçoivent avec plaisir sa domination. Il y a parfaitement réussi, car le mécontentement est tel que l’on dit hautement : Nous serions mieux d’être réunis à la France.

« Voilà comment l’on s’explique publiquement et partout, et si ta police ne te le dit pas, elle a grand tort, et c’est parce qu’elle sait que cela te serait désagréable. Mais moi, je dois te dire la vérité, et je te l’aurais dite plus tôt, si je n’eusse attendu tous les jours ton retour à Naples, parce que j’aimais beaucoup mieux te parler que t’écrire. Mais voyant que tu ne te disposes pas à revenir et que la commission fait tous les jours de nouveaux malheureux, qu’elle prend tout, et qu’elle prononce sur cinquante causes dans un seul jour, je ne puis plus différer de t’en informer et de te prier de mettre un terme à toutes ces horreurs qui t’ont aliéné tous les cœurs. On dit que Zurlo (ministre de l’Intérieur) n’est pas un malhonnête homme ; je veux bien le croire ; mais s’il a de l’esprit, je suis étonnée qu’il soutienne cette commission, et je suis quelquefois tentée de croire qu’il te trompe. Je te dis franchement aujourd’hui ma façon de penser, parce que, pour tes intérêts et pour ceux de ta famille, je ne pourrais te la cacher plus longtemps.

« Il ne s’agit point de se fâcher, il s’agit de conserver le trône. L’Empereur ne se décidera pas facilement à te l’enlever, tant qu’il saura que tu es aimé ici, et qu’il aurait de la peine à disposer les esprits à la réunion ; mais s’il voit des facilités, des