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dégage des vapeurs brûlantes qui annoncent un commencement d’éruption ; Naples vit sous l’haleine du monstre, dans une atmosphère suffocante, et la Reine en éprouve un insupportable malaise : « J’étais comme électrisée et j’avais tous les nerfs en irritation ; tout le monde a ressenti plus ou moins cet effet. »

Il est vrai que Murat, dès qu’il a connaissance de l’accident de santé arrivé à sa femme, change de ton ; sa bonté naturelle reprenant le dessus, il s’émeut et s’inquiète, veut qu’on lui envoie des nouvelles par télégraphe aérien, veut en avoir deux fois par jour, écrit des lettres désolées, mais ces témoignages d’intérêt ne font pas oublier à la Reine les paroles qui l’ont poignardée.

Le 15 septembre, elle écrit : « Mon cher ami, ta lettre apportée par d’Arlincourt et celle du 10 que je viens de recevoir m’arracheraient des larmes si je pouvais oublier la lettre pleine de dureté que j’ai reçue de toi le deuxième jour de mon accident. Après la manière dont tu t’es exprimé dans cette lettre, je ne peux plus attacher d’importance à tes assurances de tendresse et de sensibilité ; elles ne sortent pas de ton cœur, et c’est toi-même qui m’en as donné la certitude. Tu me témoignes beaucoup d’inquiétude sur ma santé ; toutes les lettres que tu as reçues depuis ont dû te tranquilliser… Mes sentimens sont toujours les mêmes, car je n’ai jamais varié depuis onze ans que je suis avec toi. » Le surlendemain, elle écrit encore : « Sois tranquille sur ma santé ; elle est fort bonne ainsi que celle des enfans. Quant à la lettre dont je me suis plainte, je viens de la relire, elle est affreuse… Quand tu seras ici, je te la ferai relire. Je crois qu’on ne peut rien reprocher de plus cruel à une femme que de dire qu’elle se joint à ses ennemis, et tant de choses dont j’ai besoin de ne plus me souvenir. » Voilà l’accord des époux encore une fois compromis ; cette nouvelle secousse du ménage laissait prévoir un avenir de relations troublées.


V

En septembre, Murat renonçait à son expédition et rentrait à Naples. Une tentative de passage en Sicile n’avait abouti qu’à la prise par l’ennemi de deux bataillons et d’une quarantaine d’officiers. Murat faisait retomber sur l’Empereur la responsabilité de ses insuccès dans une entreprise où il se plaignait de n’avoir été ni libre de ses mouvemens, ni sérieusement soutenu.