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Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 55.djvu/813

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sera la perte de l’honneur germanique. » Pour n’être pas d’un bismarckien, le propos était encore d’un bon Allemand.

Les hommes d’État de Berlin et les amis qu’ils s’étaient faits en Bavière demeuraient inquiets ; leurs soupçons, dont témoignent les Mémoires de Hohenlohe, se concentraient sur les prêtres. On accusait le clergé de vouloir provoquer, dans les populations bavaroises, un mouvement d’hostilité contre la Prusse et contre la nécessité de se battre ; un journal qui s’appelait La guerre populaire allemande prodiguait cette accusation. Mais avant la fin d’août, le national-libéral Marquardsen croyait constater que les soldats bavarois étaient devenus grands amis des Prussiens, et qu’à leur retour ils feraient propagande pour l’unité. N’avait-on pas vu, même, un arrondissement rural de Bavière blâmer solennellement son député, qui avait voté contre la guerre ? Au demeurant, l’heure des discussions était close, et faisait place à celle de l’action ; dans nos champs de France, les catholiques du Sud n’étaient pas les moins ardens à réaliser la pensée bismarckienne, à la façon bismarckienne, par le fer et par le sang, par un sang qui, souvent, était le leur.

Il n’est pas de gestes plus forts que les gestes des mourans ; il n’en est pas devant qui s’incline, avec une passivité plus aveugle et plus pieuse, la docilité des survivans. « Ultramontains » du Sud et luthériens du Nord, de ce geste même avec lequel ils tombaient ensemble, paraissaient inviter l’Allemagne à s’unir ; et l’idée bismarckienne avait désormais pour interprète le langage des morts.

Mais, à l’écart de ces poignantes mêlées, des polémiques en Allemagne commençaient de se dessiner ; et tandis que les boutades de Bismarck, quotidiennement notées par Busch, n’incriminaient jamais le patriotisme des soldats catholiques, la presse nationale-libérale s’attachait à semer certaines rumeurs et à développer certaines suspicions.


I

Depuis neuf ans, les nationaux-libéraux s’occupaient d’unifier l’Allemagne. Entre eux et Bismarck, de longues luttes s’étaient déroulées, au sujet de la méthode d’unification ; Bismarck les avait domptés, sinon toujours convaincus. Eux étaient des doctrinaires, fort attachés à leurs négations ; il était, lui, un croyant,