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Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 55.djvu/822

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« pour le service de l’homme d’État directeur, surtout si les agitateurs sociaux du Nord trouvaient pour alliée la troupe sans patrie des Romains du Sud (die heimatlose Schar der Römlinge des Südens) dans la commune hostilité à l’Etat allemand. »


Les Romains du Sud étaient prévenus ; derrière ces lignes, violentes par calcul, ils pouvaient pressentir qu’on les accuserait un jour d’être les ennemis de la patrie et les ennemis de l’ordre social, des traîtres et des révolutionnaires ; que, tout noirs qu’ils fussent et parce qu’ils étaient noirs, on les incriminerait d’alliance avec les rouges ; et qu’on aurait ainsi deux raisons de les traiter comme on traite un péril public. En présence d’une confession religieuse qui faisait mine de vouloir défendre son autonomie, la circulaire des Grenzboten apparaissait comme la première parade de l’État bismarckien.

Les catholiques du Sud comprendraient-ils ? et s’inclineraient-ils ? Le double désir d’achever l’Empire et de prendre les catholiques en faute invitait les nationaux-libéraux à se mettre aux écoutes et à ramasser des notes. En Bade, il n’y avait pas de délinquans. Le 16 décembre, à la Chambre, Baumstark déclarait au nom de ses collègues : « Nous sommes vaincus comme partisans de la Grande-Allemagne ; nous voulons entrer dans le nouvel édifice allemand, sans réserve, en toute loyauté. » Alors le national-libéral Kiefer s’attendrissait : « Que de telles paroles sortent d’une bouche ultramontaine, proclamait-il, c’est la plus grande bénédiction de notre époque. » Il n’était pas jusqu’au ministre Jolly qui, de ses lèvres sectaires, ne laissât tomber un hautain merci.

Mais la Bavière demeurait inquiétante. « Pour l’instant, avait écrit Barth à Miquel, à la date du 22 août, la crainte de devenir prussien et luthérien, que nos curés ont su inspirer aux paysans, subsiste encore dans la majorité. » Messagers du nationalisme libéral, Bennigsen et Lasker faisaient, à Munich, un voyage d’étude et d’action. Simson, en novembre, écrivait à Lasker que la Bavière déchaînerait peut-être les forces centrifuges de l’Empire et deviendrait une petite Autriche. A mesure qu’approchait l’heure où la représentation bavaroise signerait ou déchirerait les traités préparés à Versailles, l’excitation croissait. « Si la Bavière reste en dehors de la Confédération, insistait Kiefer en décembre, il est à craindre que par le fait des piètres elle ne devienne un asile pour toutes les mauvaises