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l’affaire de banque que l’on sait n’eût introduit dans le monde le trône des Hohenzollern. » « Le peuple chrétien, reprenait le curé Mahr, ne considère pas comme dignes du papier qui les supporte ces traités saints et éternels, surtout quand Bismarck est un des contractans. » Joerg développait cette thèse, que les traités équivalaient à une abdication de la Bavière. D’autres orateurs objectaient que dans l’Empire une fois organisé, on pourrait réclamer des garanties constitutionnelles au profit de l’Eglise, et que ce serait une bonne fortune pour les sujets catholiques de certaines principautés protestantes. « Vade Satanas ! » grondait une voix. C’était celle du curé Mahr, qui ne voulait pas qu’on acceptât de tels cadeaux.

Mais un jour, — c’était le 19 janvier, — Louis II félicita l’archevêque Scherr pour le vote de la Chambre des Seigneurs et laissa croire, — on se rappelle à la suite de quelles manœuvres bismarckiennes, — que Rome souhaitait l’acceptation des traités. Le curé Mahr voulait faire taire Satan, et voici qu’on disait : C’est le Saint-Siège qui a parlé ! Il y avait 150 votans : 102 écoutèrent Satan, ou le Saint-Siège ; 48 seulement demeurèrent inflexibles. Les traités étaient approuvés ; et le président Weis signifia que, par cette décision, l’œuvre de l’unité allemande était achevée.

Bismarck n’était pas dupe de ses propres manèges ; et dans son for intime, ce n’est pas au Saint-Siège qu’il faisait honneur de l’abdication bavaroise. Il gardait bien plutôt quelque rancune aux « Romains du Sud » pour les incertitudes émouvantes dont quelque temps durant il avait souffert. Jusqu’à la dernière heure, au contraire, leurs ennemis nationaux-libéraux avaient bataillé, par l’action, la parole ou l’intrigue, pour l’achèvement de l’Empire ; et plus tard, beaucoup plus tard, lorsque, entre eux et Bismarck, la paix religieuse creusera un fossé, ils sauront lui rappeler, dans leur presse, qu’« il n’eût suffi, ni des victoires, ni de la diplomatie pour faire l’unité allemande ; que l’opinion, troublée par l’étrange bouleversement de toutes les conditions politiques, avait dû être gagnée aux idées de Bismarck : et que cela n’aurait pas été possible, sans eux. »


IV

L’Empire était fait ; et d’un bout à l’autre de l’Allemagne s’agitaient les cerveaux et les langues, pour l’élection du