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constatait Joerg, s’enflamme plus violemment que jamais, au dedans et au dehors de l’Assemblée. »

Une circulaire se propageait, expédiée par le Comité de l’Association des protestans libéraux (Protestantenverein) : « Nous avons constaté pendant la guerre, y lisait-on, que partout, en France, en Allemagne, en Italie, le parti des Jésuites a combattu à côté de nos ennemis et soulevé contre nous, Allemands, le fanatisme des populations ignorantes ; » et le comité faisait appel, contre ce parti, aux forces vives de l’esprit protestant. Des pétitions survenaient au Reichstag, pour demander l’invalidation de certains élus catholiques ; et le Reichstag y déférait avec joie. L’organe des nationaux-libéraux badois prévoyait comme imminente la « seconde partie de la résurrection de l’autonomie nationale, » c’est-à-dire la guerre contre l’Eglise.

Entre un Parlement qui voulait la guerre et un maître qui ne la voulait pas, Bismarck se réservait. Il commandait à ses journalistes des articles contre le Centre, spécialement contre Savigny, dont il expliquait le nouveau rôle politique par le désir de venger certaines déceptions. Mais voulait-il par de tels articles attiser encore le feu qui couvait ? J’inclinerais plutôt à croire qu’il s’essayait, soit à détacher les catholiques du Centre, soit à décourager le Centre d’exister. « La tendance agressive de cette fraction, écrivait-il le 17 avril à un correspondant bavarois, doit pousser le gouvernement à une défensive dans laquelle, pour une protection efficace, il peut se voir forcé de passer lui-même à l’offensive. » Je crois ces lignes sincères, à cette date : il ne suivait pas les nationaux-libéraux dans leur désir fiévreux d’assaillir le Centre ; mais il reprochait aux hommes du Centre d’être de leur côté des assaillans. Une première victoire venait d’être gagnée sur eux : il avait si bien manœuvré, sa presse avait crié si fort, que finalement, à Darmstadt, Dalwigk était congédié et remplacé, à la tête du gouvernement, par un ancien ministre de Hesse à Berlin ; et Ketteler, battu deux fois dans les discussions du Reichstag, risquait d’être atteint par les répercussions de cette crise. Bismarck était si content que, Dalwigk ayant fait un procès aux Grenzboten, le chancelier paya lui-même l’avocat de cette revue. On pouvait dès lors se demander si certaines lignes des Grenzboten, dont les catholiques pouvaient trembler, traduisaient l’opinion de Hans Blum ou celle de Bismarck, celle du directeur ou celle du bailleur de fonds.