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rouges n’avait pas d’adversaire plus décidé, et que c’étaient probablement les Jésuites qui régnaient sur le Centre, beaucoup plus que le Saint-Siège.

Mais le courrier suivant apportait au cardinal le texte de la lettre de Bismarck à Frankenberg. Antonelli fut choqué de l’indiscrétion. « Quand nous prétendions regretter l’attitude du Centre, dit-il à Taufkirchen, nous n’avions pas sous les yeux les comptes rendus parlementaires ; en fait, le Centre ne semble pas avoir réclamé l’intervention de l’Allemagne à Rome ; il a seulement voulu rayer quelques lignes qui condamnaient l’Allemagne à ne jamais intervenir. » Querelle de mots ! interrompait Taufkirchen. Antonelli ne répondait rien : le Vatican cessait de blâmer le Centre. Il déclarait d’ailleurs à Taufkirchen que la Curie n’avait pas l’intention d’exercer une influence directe sur la conduite politique des catholiques en Allemagne. C’est à cette formule que désormais s’en tiendrait le Vatican : il s’engageait, par-là même, à ne pas provoquer l’action du Centre ; mais c’était, non moins clairement, un refus de l’entraver.

Taufkirchen, en transmettant à Bismarck cette conversation d’Antonelli, sut la présenter et la commenter de façon que le chancelier ne perdît pas tout espoir ; mais Bismarck ne voulait plus attendre. « Le Centre et le clergé, répondit-il le 30 juin au ministre de Bavière, marchent d’accord avec les courans antinationaux. Si ce parti est plus fort que le Vatican, l’Église en souffrira : nous serons obligés à une résistance que nous devrons soutenir très sérieusement par tous les moyens. Si l’on peut, au Vatican, se décider à rompre avec le parti, et à empêcher ses attaques contre nous, c’est tout ce que nous désirons ; sinon, nous déclinons la responsabilité des conséquences… »

Bismarck parlait encore une langue diplomatique ; les Grenzboten, qu’honoraient ses inspirations, commençaient d’en parler une autre :


Ce n’est pas avec des moyens de discussion, disait cette revue, que l’on combat une opposition qui déploie comme un drapeau politique l’ordre du vicaire du Christ. Ici l’État doit se tourner vers le maître du drapeau et lui dire : Est-ce d’après tes indications que l’on déroule ce drapeau contre moi ? Suivant que le Pape dit oui ou non, l’on punira le déploiement du drapeau comme un abus, ou l’on aura affaire au Pape lui-même comme ennemi, »


Le 1er juillet, Brassier de Saint-Simon, ministre de Prusse à Florence, prenait avec le prince Humbert la route de Rome et