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Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 55.djvu/851

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l’extension des réseaux routiers et l’approche de voies ferrées reliant leurs frontières à des pays dont l’amitié est douteuse.

Aussi l’Angleterre, jusqu’alors volontairement isolée et réfractaire aux alliances, sentit la nécessité de nouer des ententes avec certaines puissances européennes, ou exotiques comme le Japon. Ces rapprochemens cordiaux avec d’autres peuples diminuent les dangers qu’elle redoute, mais lui créent des devoirs, car, si elle doit compter sur ses amis en cas de péril, il est juste qu’elle soit en mesure de leur venir en aide. C’est ainsi que la situation mondiale de la Grande-Bretagne s’est transformée depuis quelques années. Elle ne craint pas seulement pour son commerce et pour son industrie, mais pour son existence même ; elle est hantée par le cauchemar d’une invasion et la crainte de voir une armée ennemie venir dicter à Londres ses lois au vaincu.

Dès l’année 1905, M. Balfour, dans un brillant discours, crut devoir rassurer l’opinion publique en montrant combien la peur d’une invasion française était peu fondée. Mais en 1908, lord Roberts s’exprimait ainsi : « Une invasion dans ce pays n’est pas seulement possible, mais elle est réalisable sur une plus grande échelle qu’on ne l’a généralement pensé… ; si nous ne prenons pas les mesures nécessaires, nous risquons de nous trouver à la merci de l’envahisseur et d’être contraints d’accepter les conditions les plus humiliantes. » Puis, faisant allusion au discours de M. Balfour, il ajoutait : « Ces données pouvaient être exactes pour la France de 1905, mais elles ne le sont pas pour l’Allemagne de 1909. » Ce sont donc bien les visées allemandes qui préoccupent la population anglaise.

Jusqu’ici, l’Angleterre comptait fermement sur sa flotte pour la mettre à l’abri de toute tentative ; son programme consistait, en effet, à maintenir sa puissance navale en état de supériorité sur les flottes réunies des deux plus grandes puissances maritimes du monde ; c’est le principe du two powers standard que le Royaume-Uni ne semble plus pouvoir maintenir aujourd’hui. Un membre du Parlement a posé récemment à l’Amirauté la question suivante : « Combien y aura-t-il de bâtimens du type Dreadnought et Invincible (ou de valeur combattante égale) achevés au 1er avril 1912, en Grande-Bretagne, en Allemagne et aux Etats-Unis, en admettant que chacune de ces nations ait complété pour cette date son programme de 1910, et combien chacune d’elles possédera-t-elle de bâtimens du type