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coûteux. Les rades de concentration, inviolables sur le front de mer, seraient bien vite mises à l’abri d’un coup de main du côté de terre grâce à la fortification improvisée dont l’efficacité ressort si nettement des deux campagnes de la Russie contre la Turquie et le Japon.

Dans quelles conditions une invasion des Iles Britanniques est-elle donc à redouter ?

Une armée débarquée sur les côtes anglaises ne trouverait pas dans le pays les ressources nécessaires à sa subsistance ; elle ne pourrait vivre sans être reliée d’une manière sûre et continue à sa base d’opérations, c’est-à-dire au continent. La maîtrise de la mer lui est donc indispensable, non pendant 48 heures, mais bien pendant toute la durée des opérations, qu’on ne peut évaluer à moins de plusieurs semaines. Il faut donc que la flotte anglaise ait été battue ou qu’elle soit éloignée pendant un temps suffisant. Il est essentiel aussi que l’armée envahissante soit plus forte que celle de la défense ; cela ne peut être que si l’armée régulière, en tout ou en grande partie, a été détachée pour une expédition lointaine et si les forces auxiliaires restées sur le territoire sont insuffisantes.

Ces conditions sont-elles réalisables ? Oui, si l’Angleterre se trouve engagée seule dans un conflit contre une grande puissance continentale, l’Allemagne par exemple, qui a été visée très nettement à la Chambre des Lords. Une victoire navale qui assurerait à l’Allemagne la maîtrise absolue de la mer est loin d’être impossible, surtout si la flotte anglaise ne reste pas concentrée et s’affaiblit par des détachemens. cette éventualité a été envisagée au Parlement par lord Roberts : « Nous pouvons être contraints à un moment donné, a-t-il dit, d’envoyer notre flotte métropolitaine, ou tout au moins une partie de notre flotte, sur des points éloignés, en Asie, en Afrique, en Amérique, ou même plus près, en Europe, comme nous avons dû le faire jadis ; dans ces conditions, une flotte étrangère, qui n’a pas à endosser de pareilles responsabilités, pourrait peut-être, entièrement concentrée dans notre voisinage immédiat, profiter de l’absence de nos escadres protectrices. »

D’un autre côté, l’armée régulière métropolitaine, elle aussi, — et cette hypothèse fut également examinée, — peut avoir été appelée, en grande partie, à l’extérieur, pour la défense des colonies, par exemple.