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régulière. Par suite, les officiers territoriaux sont réellement chargés de l’administration et de l’instruction militaire des troupes sous leurs ordres, ce qui les rehausse dans l’esprit du soldat et les oblige à faire des efforts sérieux pour ne pas perdre la confiance que leurs hommes semblent avoir en eux. C’est un puissant levier qui manque un peu à nos officiers de complément, tenus, en général, trop étroitement en lisière. Souvent on méconnaît ce qu’on peut obtenir de gradés servant volontairement en leur laissant le commandement effectif et la responsabilité qu’il entraîne ; c’est là un élément moral dont il y a lieu de tenir compte et qui portera ses fruits dans le rendement de l’armée territoriale anglaise.

L’une des plus heureuses innovations de M. Haldane fut de confier l’organisation et l’administration des troupes territoriales à des Associations de Comtés, composées des hommes les plus influens et les plus riches ; cette mesure semble avoir atteint le but visé d’exciter une féconde émulation entre les comtés. Les Associations, sous le contrôle du Conseil de l’armée, ont des attributions étendues ; elles jouissent en quelque sorte de la personnalité civile ; elles apportent dans l’administration cette largeur de vues habituelle aux hommes d’affaires. Aussi tous les commandans d’unités, tous les directeurs des services, dégagés des tracasseries administratives qui sont l’apanage de presque tous les organismes militaires, font preuve d’une remarquable initiative qui est l’une des caractéristiques les plus saisissantes de l’armée territoriale. Nous avons passé quelques journées dans les camps avec quatre de ses divisions, et cette initiative générale chez tous les officiers, habitués d’ailleurs pour la plupart dans la vie civile à prendre des responsabilités, nous a particulièrement frappé ; elle s’exerce dans tous les détails intérieurs, dans la direction des services, dans l’exercice du haut commandement ; des chefs, habitués de la sorte à penser et à agir, seront capables de réparer bien des fautes. Jamais nous n’avons aussi bien senti combien l’initiative peut parfois compenser certaines faiblesses, combien sont précieux les avantages de la souplesse dans l’administration. Cette constatation éveillait en nous cette réflexion : Que ne ferait-on pas avec l’armée française en lui appliquant ce même principe ! et nous pensions douloureusement aux entraves de toutes sortes apportées chez nous à l’exercice du commandement par une centralisation excessive,