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Et c’était, dans nos cœurs sans désir, sans envie,
Comme si nous eussions senti lugubrement,
Plus obscur et plus froid de moment en moment,
Descendre avec le soir le néant de la vie.


SERVILE BELLUM


« Les derniers soldats de Spartacus se réfugièrent dans le cratère, alors endormi et verdoyant, du Vésuve. »
Histoire Romaine.


C’est la fin !… Tu fis bien de mourir, Spartacus !
Rome atroce l’emporte, et nous fuyons vaincus,
Sentant déjà le vent de son fouet sur nos têtes,
Et nous voici chassés, traqués, comme des bêtes,
Et blottis, au hasard d’un sentier indistinct,
Dans le cratère en fleurs de ce volcan éteint.
Éteint… Des paysans assis près d’une source
Nous l’ont du moins crié, tout à l’heure, à la course.
— Là-bas, les légions gravissent le volcan !…
Pour qui vivra demain, c’est la croix, le carcan,
Ou la meule à tourner dans le sombre ergastule.
Adieu !…

— Mais çà et là, sous mes pieds, le sol brûle,
Frères, et l’on dirait même qu’il a frémi !…
— Le volcan semble éteint, mais il n’est qu’endormi !
Un filet de fumée âcre sort du cratère,
Voyez ! Et quand on met l’oreille contre terre,
On entend à travers le gazon, par momens,
De sourds fracas suivis de vastes grondemens,
Un long bruit de tonnerre épars qui roule et rôde,
Comme si, du profond de la ténèbre chaude,
Furieux, les captifs d’un cachot souterrain
Secouaient des colliers et des chaînes d’airain !
Oui, frères, sous le flot refermé de sa lave,
Le grand rebelle a dû redevenir esclave,
Et même, entre les fleurs dont le vent l’encombra, Sommeille…
— Mais un jour il se réveillera !