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de coups d’État en coups d’État, coups d’État militaires, coups d’État politiques, coups d’État parlementaires ? Ce sont là de dangereuses leçons de choses : toujours condamnables, elles le sont surtout lorsqu’une nécessité absolue ne les impose pas.

Les observations qui précèdent se rapportent à la politique intérieure de la Grèce : celles qui suivent se rapportent à sa politique extérieure, qui est d’un intérêt encore plus grave.

Pendant la crise provoquée par le changement de ministère, on a remarqué au premier plan des hommes politiques qui travaillaient, d’abord à la créer, ensuite à la dénouer, la présence de M. Venizolos. Son nom est connu de nos lecteurs ; il a été souvent prononcé à propos des affaires crétoises. M. Venizolos, en effet, est un Crétois, un patriote, un agitateur, qui a joué un rôle important dans son pays : mais son pays étant la Crète et non pas la Grèce, on se demande ce qu’il faisait à Athènes pendant la crise, de quel droit il s’en occupait, enfin par quelle étrange condescendance, peut-être faut-il dire faiblesse, les hommes politiques hellènes lui ont laissé prendre leur place à la tête du mouvement. Rien n’était plus imprudent, car c’était dire, en face de la Jeune-Turquie indignée, que la Crète faisait virtuellement partie de la Grèce et que les deux pays n’en étaient qu’un. Ici, nous ne sommes pas suspect ; nous avons exprimé plus d’une fois le désir que la Crète appartint à la Grèce, et nous continuons de croire que c’est la solution de l’avenir, à la condition toutefois que la Grèce ne l’éloigné pas indéfiniment par de fausses manœuvres et des provocations maladroites. Rien n’est moins opportun que ces provocations. Loin d’être disposée à les subir, la Jeune-Turquie est toute prête à les relever : il y a même, à Constantinople, beaucoup de gens qui seraient enchantés d’en avoir l’occasion.

On a pu craindre un moment que la Grèce ne la leur donnât. La présence de M. Venizolos à Athènes, son importance, son activité, le fait qu’il a été la cheville ouvrière de la crise et que nul n’a eu plus d’influence que lui sur les déterminations qui y ont été prises, devaient frapper et émouvoir les esprits à Constantinople. À la nouvelle qu’une Assemblée nationale serait réunie, on s’y est demandé tout de suite si des députés crétois seraient admis à y prendre place. Il ne semble pas que la question ait été posée au gouvernement hellénique ; mais elle l’a été aux puissances protectrices de la Crète, et rien n’est plus correct, puisqu’il est entendu que la Turquie ne doit avoir de rapports qu’avec ces puissances pour tout ce qui concerne les affaires crétoises. La Turquie a donc fait savoir qu’elle ne tolérerait pas un acte qui serait