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de la péninsule balkanique qui ne fût pas une monarchie constitutionnelle. « Le trône d’or des Balkans » n’appartiendra jamais à un souverain qui n’aurait pas assuré à ses peuples des institutions libérales. Devenir un Etat constitutionnel, c’était rendre possible, autour du Monténégro, ce groupement des Etats balkaniques dont le rêve hante l’imagination du prince Nicolas. Vers 1905, à propos de la Macédoine, on commença à parler de la future « Confédération balkanique. » Si elle existait jamais, la plus ancienne dynastie de la péninsule ne pourrait-elle pas aspirer à en exercer la présidence ? Si, d’autre part, la nation serbe réalisait un jour son unité, ce serait certainement autour d’un Etat jouissant d’institutions libres. Enfin, le Tsar de Russie, le dernier souverain autocratique, ne venait-il pas, lui-même, de donner l’exemple en convoquant une Douma ?

Le prince Nicolas octroya donc une constitution. Elle institue une Chambre unique. Le suffrage est universel ; pour être éligible, il faut payer quinze couronnes d’impôt annuel, ce qui exclut environ un tiers des citoyens. La presse est libre. L’instruction primaire est obligatoire et gratuite. La Skoupchtina se, compose de quatorze membres virilistes, c’est-à-dire siégeant en vertu de leurs fonctions, hauts fonctionnaires de l’Etat, chefs des clergés, etc., et de soixante-deux députés élus pour quatre ans. Elle a surtout le contrôle des dépenses, aucun emprunt ne peut être conclu sans son concours. Le prince garde de très larges prérogatives : il décide seul de la paix et de la guerre ; il signe les traités ; il est le chef de l’armée ; il nomme tous les fonctionnaires, il a le droit très étendu de grâce et de commutation de peine ; il nomme et révoque les ministres sans avoir à tenir compte de l’avis de l’assemblée ; il a le droit de la dissoudre et de ne la convoquer de nouveau que quand il lui plaît ; il peut, s’il y a désaccord entre elle et le gouvernement à propos du budget, rendre exécutoire la loi de finances de l’année précédente. Ainsi la monarchie est constitutionnelle, elle n’est pas parlementaire.

Le jour de la Saint-Nicolas 1905 (6-19 décembre), la première Skoupchtina monténégrine, très librement élue, se réunit à Cettigne. Le prince prononça un discours du trône, brillante et véridique apologie de son règne. Après avoir rappelé les bienfaits du régime ancien, il explique la nécessité d’un régime plus moderne : il a l’espoir que les Monténégrins sauront avec