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Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 56.djvu/191

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LA TRANSFORMATION DE LA CHINE.

Ce n’est pas que, au premier désastre, la cour de Pékin n’eût eu conscience de son erreur et n’eût essayé de réagir. En cela, elle ne faisait que suivre la pratique traditionnelle de la politique chinoise. Nous avons reproché bien des fois à la Chine son inertie, son immobilité séculaires, sa répugnance à accepter toute innovation. Et cependant toute son histoire, telle que nous la font connaître ses Annales, est là qui prouve combien ce reproche est exagéré. Pour ne parler que de l’armée, et si haut que l’on remonte dans la série des âges, on voit, par les transformations successives qu’elle a subies, combien le Chinois est apte à s’approprier immédiatement chaque perfectionnement constaté chez l’adversaire. Avant même la première unification de l’Empire, on voit les principautés et les royaumes chinois s’emprunter mutuellement les chars de guerre ; plus tard, le gouvernement chinois apprend des populations des côtes l’usage des jonques, des Huns l’emploi de la cavalerie. Au XIIIe siècle de notre ère fut décrétée la conscription militaire et une année permanente de huit cent mille soldats organisée. Les progrès de l’organisation coïncident avec ceux de la science militaire : bastions, créneaux, tranchées et galeries souterraines, tours roulantes, projectiles incendiaires sont employés avec une ingéniosité étonnante. La poudre fait son apparition officielle en 1232 et, peu après l’arrivée des Portugais, on voit les Chinois fondre des canons et avoir un corps régulier d’artilleurs.

Le premier traité de Tien-tsin en 1858 était à peine signé, et les vaisseaux de guerre français et anglais étaient à peine disparus de l’horizon, que des forts à la moderne étaient construits à l’embouchure du Peï-ho, lesquels, en 1860, repoussaient l’attaque de la flotte anglo-française et devaient être tournés par terre pour être enlevés. La prise de Pékin qui eut lieu la même année fit comprendre au gouvernement que des fortifications seules seraient insuffisantes à arrêter les Diables étrangers, que ces derniers avaient la supériorité de l’armement, et que, pour les arrêterai fallait instruire les troupes chinoises et les doter d’armes modernes. Aussitôt après l’écrasement des Taï-Pings, les arsenaux de Foutchéou et de Kiang-nan près Changhaï étaient fondés et quelques corps de troupes exercés à l’européenne. En 1871, des jeunes gens étaient envoyés en Europe pour y étudier les sciences militaires et navales. La guerre du Tonkin ayant montré ensuite la nécessité de communications rapides pour opérer la