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POÉSIES.


— Mais le Destin, pensif, alourdi, plein de songes,
M’indiquait en riant mon martyre ébloui.
L’avenir aimanté déjà vers nous s’allonge,
Tout ce qui vit dit oui.

Tout ce qui vit dit : Prends, goûte, possède, espère,
Ta conscience aussi trouvera bien son lot,
Car l’amour, radieux comme un verger prospère,
Est gonflé de sanglots :

De sanglots, de soupirs, de regrets et de rage
Dont il faut tout subir. Quelque chose se meurt
Dans l’empire implacable et sacré du courage,
Quand on fuit le bonheur.

Et je disais : « Seigneur, ce bien, ce mal suprême,
Ma chaste volonté ne veut pas le saisir,
Mais mon être infini est autour de moi-même
Un cercle de désir ;

Des générations, des siècles, des mémoires
Ont mis leur espérance et leur attente en moi ;
Je suis le lieu choisi où leur mystique histoire
Veut périr sur la croix.

Une âpre, une divine, une ineffable étreinte,
Un baiser que le temps n’a pas encor donné
Attendait, pour jaillir hors de la vaste enceinte,
Que mon désir fût né.

Dans les puissans matins des émeutes d’Athènes
Ainsi courait un peuple ivre, agile, enflammé,
Que la Minerve d’or, debout sur les fontaines,
Ne pouvait pas calmer.

— J’accepte le bonheur comme une austère joie,
Comme un danger robuste, actif et surhumain,
J’obéis en soldat que la Victoire emploie
À mourir en chemin :