Paris possède maintenant, de plus en plus, des concerts, comme des théâtres, « à côté ; » petites sociétés musicales, en marge des grandes, qui font moins de bruit et quelquefois plus de bien. Je ne saurais trop vous en recommander deux, consacrées l’une à Jean-Sébastien Bach et l’autre à Georges-Frédéric Haendel. « Ce sont deux puissans dieux. » La première, si je ne me trompé, et certainement la seconde, honore et sert, au-dessous de son glorieux patron, des maîtres à peine moins grands, plus anciens parfois et presque toujours inconnus.
Que savez-vous de Masse ou de Schutz, de Rust ou de Buxtehude ? Un soir du mois dernier, dans une humble salle de la rue de Trévise, vous en auriez ouï des merveilles. Vous auriez, à travers les siècles, compté les jalons plantés par des mains robustes sur toutes les avenues de notre art. Oh ! que de simples, de brefs, de forts et de purs chefs-d’œuvre ! Comme ils accroissent, ceux-là, la vie en nous ! Quelle impression ils nous laissent du parfait et du définitif ! Ils nous assurent et nous rassurent, à l’heure trouble où nous sommes. Sur le buffet de l’orgue se voyait sculpté l’antique monogramme chrétien, entre l’alpha et l’oméga. Et tandis que nous écoutions certain chœur du Josué de Haendel, ou l’Histoire de Jésus au temple, de Schutz, oubliant les recherches et les erreurs présentes, il nous semblait que cette musique fût en effet le commencement et la fin. Vieux chefs-d’œuvre ; exécution juvénile, imparfaite quelquefois, selon la lettre, mais que toujours anime, enflamme l’esprit. Allez entendre les jeunes artistes de la société Haendel. Accordez-leur toute votre sympathie et même, un peu, d’autres et moins platoniques secours. Je dis : un peu, non pas trop, afin qu’ils vivent seulement, qu’ils aient le nécessaire, mais non pas les délices, et que la sainte pauvreté garde leur zèle et leur amour.