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REVUE. — CHRONIQUE.

à mettre fin à des pratiques inavouables. On a pour cela, imaginé trois précautions, dont la première consisterait à faire passer l’électeur dans un « isoloir » c’est-à-dire derrière un paravent lorsqu’il se rend au scrutin ; la seconde, à autoriser les candidats à avoir des représentai dans la salle de vote ; la troisième enfin, à introduire le bulletin dans des enveloppes de papier de forme identique. La première de ces précautions permettrait à l’électeur d’échapper un moment à la surveillance qui s’exerce sur lui, à choisir le bulletin qui a vraiment ses préférences, et à le mettre sous enveloppe ; la seconde n’a pas besoin d’être expliquée ; la troisième a pour objet d’empêcher le président du bureau électoral de reconnaître les bulletins d’après le papier employé, et aussi d’englober plusieurs bulletins dans un seul. Chacune de ces précautions est bonne, et leur réunion est excellente. Faut-il rendre justice à la Chambre ? Elle les a votées à deux ou trois reprises différentes, comme elle a voté le scrutin de liste, comme elle a voté la représentation proportionnelle, avec d’autant plus de persévérance qu’elle comptait sur le Sénat pour faire échouer la réforme. Et elle n’avait pas tort : nous avons le regret de dire que le Sénat, toutes les fois que la loi lui a été soumise, y a opéré des modifications et des retranchemens qui devaient la condamner à faire indéfiniment la navette entre les deux Assemblées, et, finalement, à ne pas aboutir. Le Sénat a commencé par supprimer l’ « isoloir, » de sorte que l’électeur, dans la main duquel on aura mis, avec plus ou moins de force, un bulletin de vote, ne pourra pas le changer sans être vu. Il a supprimé aussi l’article qui donnait le droit au candidat d’avoir un représentant dans la salle du vote : ce représentant aurait été un témoin et on ne veut pas de témoin. Seule l’enveloppe uniforme a été maintenue. C’est peu, on en conviendra ; ce n’est rien, en réalité, car le dernier jour de la discussion, M. le président du Conseil a expliqué au Sénat que, son administration devant faire cinquante millions d’enveloppes, il faudrait pour cela si longtemps que la loi, pour être applicable aux élections prochaines, devrait être votée définitivement dans un intervalle de quatre ou cinq jours. Est-ce donc une si longue opération que faire des enveloppes ? Oui, a dit M. Briand, et il a invoqué l’autorité du syndicat des fabricans de papier qu’il avait consulté. Frappé de cette affirmation, le Sénat n’a pas perdu son temps à en examiner la vraisemblance ; pas une minute n’était à perdre ; il a voté la loi et s’est empressé de l’envoyer à la Chambre. Celle-ci a continué tranquillement la discussion du budget et, lorsqu’elle l’a eu terminée, s’est adjugé huit jours de congé. Quand elle rentrera en séance, il sera trop