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Hollweg, en qualité de premier ministre de Prusse, n’en a pas mis une moindre à le défendre devant le Landtag. Le discours qu’il a prononcé à cette occasion, très remarquable par sa forme, a été absolument intransigeant. On a rappelé à M. de Bethmann-Hollweg que Bismarck avait appliqué le suffrage universel au Reichstag, c’est-à-dire au Parlement impérial, et on en a conclu que ce qui était bon pour l’Empire devait l’être aussi pour la Prusse : suffrage universel égal pour tous, vote direct et secret, tel a été le mot d’ordre de l’opposition. Nous ne sommes pas bien sûr que Bismarck ait appliqué le suffrage universel au Reichstag par simple goût pour ce mode de votation ; il y a vu seulement une grande force qui servirait à réduire les divergences et les résistances particulières et à unifier l’Empire ; à ce point de vue, M. de Bethmann-Hollweg était certainement fondé à dire que le même système électoral ne convenait pas à tous les pays de l’Empire, notamment à la Prusse, et qu’on n’était pas fondé à conclure du tout à la partie. Mais il faut convenir qu’il a fait, plus peut-être qu’il n’était nécessaire, le procès du suffrage universel dont il a dit qu’en élargissant la base des assemblées il en abaissait inévitablement le niveau. Il en a dit encore bien d’autres choses qu’il est inutile de répéter ici, et qui devaient plaire médiocrement, non seulement au Reichstag, mais encore aux diètes allemandes qui en sont issues. Cette éloquence très réelle, mais froide, tranchante, hautaine, a fait naître une vive surexcitation, que les socialistes ont habilement entretenue et qui s’est traduite par des manifestations, pacifiques jusqu’ici, mais de plus en plus nombreuses et imposantes. Elles ont permis aux socialistes de prendre conscience de leur force et sans doute de se l’exagérer. Quoi qu’il en soit, ils l’ont mise à l’épreuve, ils en ont fait étalage, et les résultats qu’ils ont obtenus ne sont pas de nature à les décourager. La police, au contraire, a médiocrement rempli sa tâche : elle a parlé très haut, sur un ton menaçant, et au moment d’agir, s’est montrée impuissante. On l’a accusée de violences et de brutalités dont elle n’a pas effectivement été exempte, mais dont on a, comme on le fait toujours, aggravé l’importance. En réalité, il y a eu peu de mal pour les manifestans, mais il y a eu pour la police quelque ridicule.

La journée du dimanche, 6 mars, a été la principale. Les socialistes avaient donné ouvertement rendez-vous à leurs troupes au parc de Treptow, situé à quelques kilomètres de Berlin. La police avait aussitôt interdit l’accès du parc et publié des affiches qui témoignaient de la fermeté de ses résolutions. Les concentrations de troupes faites