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LA RUSSIE NOUVELLE
ET LA
LIBERTÉ RELIGIEUSE

I
LES CATHOLIQUES. — LES ISRAÉLITES

Il y a de longues années déjà, nous écrivions ici même que, au lieu de précéder les libertés politiques, la liberté religieuse, en Russie, ne ferait sans doute que les accompagner et s’introduire sous leur couvert. Si nous osions exprimer cette opinion d’apparence paradoxale, c’est que nous avions devant les yeux l’exemple de la plupart des Etats de l’Europe et de l’Amérique. Au rebours de ce qui semble l’ordre naturel, l’ordre logique, la liberté de penser d’où découle la liberté des cultes, loin d’être la mère de toutes les autres, ne vient d’ordinaire au monde qu’après la liberté politique et ne naît ou ne grandit qu’à son ombre. Ainsi en a-t-il été de l’Angleterre, des Etats-Unis, de la Hollande, de la Suisse, de l’Espagne, de l’Italie, de notre France elle-même. Ainsi encore de l’asiatique Japon. Le fait est si général que nous avons cru permis de l’ériger en loi de l’histoire[1]. À cette loi, nous ne connaissons guère, dans l’Europe moderne, qu’une exception, la Prusse. La tolérance, grâce au génie de Frédéric II, est entrée dans les fondations de la monarchie prussienne, et la Prusse n’a pas eu lieu de s’en repentir.

  1. Voyez les Catholiques libéraux, l’Église et le Libéralisme, p. 36-37.