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périrent, mais une quantité assez notable aussi s’y acclimata et s’y reproduisit. Vers 1840, Jourdain, inspecteur des forêts qui résidait au pavillon de la Lanterne, tout près de la ménagerie, avait pu former là une collection assez nombreuse et fort intéressante, composée exclusivement d’animaux exotiques tués ou pris dans les bois de Versailles.


Il n’était resté à la ménagerie que le rhinocéros, le lion et son chien que nous connaissons déjà, un bubale, une antilope Corinne, un couagga, auxquels il faut ajouter un pigeon couronné des Indes, le goura des Moluques, sept à huit paons et deux douzaines de poules. C’est alors que le régisseur général du domaine de Versailles écrivit la lettre suivante à Bernardin de Saint-Pierre qui était encore intendant du Jardin du Roi à Paris ;


« Versailles, 19 septembre 1792.

« La ménagerie va être détruite ; si dans le peu d’animaux qu’elle renferme, il y en avoit quelqu’un qui pût vous convenir et figurer dans votre superbe cabinet d’histoire naturelle, veuillez me l’indiquer. Le ministre m’autorise à vous donner tout ce que vous jugerez convenable. Je crois qu’il seroit nécessaire que vous fissiez le voyage de Versailles. Si vous estimez que cela soit à propos, je vous prie de m’indiquer le jour, pour que je puisse m’y trouver.

« Nota. — Il y a un superbe rhinocéros.

« Le Régisseur général des domaines de Versailles, Marly et Meudon.

« COUTURIER. »


Le célèbre auteur de Paul et Virginie ne répondit pas alors à cette offre, car il avait bien d’autres soucis en tête. Il y avait deux mois et demi que le Roi l’avait placé à la tête du Jardin des Plantes ; la royauté se trouvait brusquement supprimée et, dans le tourbillon d’événemens politiques qui se succédaient, il se demandait anxieusement ce qu’il allait lui-même devenir. Couturier dut donc lui écrire une seconde lettre plus pressante que la première : « Citoyen, disait-il, vous savez qu’il reste à la ménagerie de Versailles un rhinocéros qui devient inutile dans ce pays. Je vous le conservais avec plaisir suivant l’ordre du