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avaient déjà existé à Trianon, l’une au temps de Mme de Maintenon, l’autre au temps de la marquise de Pompadour, quand, en 1784, Marie-Antoinette fit agrandir ce domaine par l’achat du terrain du parc actuel du Petit-Trianon. La Reine voulut se créer là, avant tout, un charmant lieu de retraite, mais certainement aussi elle sacrifiait au goût du jour en essayant de faire, de ce nouveau domaine royal, une sorte de ferme expérimentale. Au mois de juin 1785, en effet, elle y plaçait des taureaux, des vaches, des moutons et des chèvres venus de Suisse ; des porcs et des lapins y entraient en compagnie de nombreuses poules du Mans, de Caux et d’autres races ; des pigeons d’espèces rares y venaient habiter le colombier construit pour eux au bord du lac et, dans ce lac, on jetait 2 349 carpes et 26 brochets. En même temps, la Reine installait dans le petit manoir qu’elle s’était réservé une bibliothèque où l’on voyait, entre autres livres, l’Histoire naturelle de Buffon, et elle logeait, dans les autres maisons du Hameau : une laitière, un gardien, un bouvier et des garçons de ferme. Ce ne serait donc pas profaner un lieu auquel se rattachent tant de souvenirs, que de le rendre à sa destination première. Nous croyons même que c’est le seul moyen de conserver longtemps encore les constructions et le parc du Petit-Trianon, car tout ce qui ne sert pas tend à disparaître. Pour sauver de la ruine totale cette partie, la plus gracieuse, de notre domaine national, il ne suffit pas d’y faire de temps en temps quelques menues réparations extérieures, ni d’y laisser toujours les fenêtres et les portes hermétiquement closes ; il faut y remettre tout en état pour une fin utile. En tout cas, quel vaste champ d’observations pour le savant, quelle richesse de formes, d’attitudes et de couleurs pour l’artiste, quelle joie pour le peuple et quels spectacles, aussi instructifs que récréatifs pour l’enfant, que ces bandes de kangourous, de singes, d’autruches, de demoiselles de Numidie, de pélicans, de perroquets et de tant d’autres animaux étrangers non dangereux et que nous avons vus vivre en complète liberté non seulement dans les grands parcs d’acclimatation d’Europe et d’Amérique, mais dans les arbres, sur les pelouses et les étangs de plusieurs jardins zoologiques.

La ménagerie de Versailles, augmentée d’une partie des Trianons, peut donc rendre encore des services à la science, car c’est l’intérêt de la science qui nous préoccupe ici avant tout. Le Muséum d’histoire naturelle rend sans nul doute de grands services,