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ses argumens. Lord Cawdor, ancien premier lord de l’Amirauté, le 18, à Belfast, prévoit le jour où le port servira de base navale à la flotte allemande. Le 4 janvier, le leader lui-même, M. A.-J. Balfour ne craint pas de prononcer de graves paroles : « Promenez-vous en Europe, à l’heure qu’il est ; consultez les politiques et les diplomates des petits États ; et je suis parlaitement sûr que vous les trouverez absolument unanimes à croire que tôt ou tard un conflit entre l’Angleterre et l’Allemagne est inévitable. »

Les affiches entrent en jeu. Ici, on raconte que, pour avoir voulu renseigner l’Amirauté sur l’impulsion donnée, dès l’avènement des radicaux anglais, aux constructions navales d’Outre-Rhin, M. Mulliner s’est vu dans l’obligation de résigner les fonctions de directeur de la Coventry Ordnance Cy, dont les usines étaient systématiquement boycottées par le ministère. Là on publie des chiffres inquiétans. Quand les libéraux ont pris le pouvoir, les sommes allouées pour la construction et l’armement des navires dépassaient de 5 millions de livres les crédits allemands ; ils leur sont aujourd’hui inférieurs de 2 millions. Plus loin, on imprime des statistiques navales.

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En 1906. « En 1909. «
Angleterre. Allemagne. Angleterre. Allemagne.
Cuirassés de moins de 20 ans. 50 18 45 27
Croiseurs protégés de moins de 20 ans 64 24 39 31
Contre-torpilleurs de moins de 10 ans 101 40 62 84

Affiches, discours et articles sont commentés de porte en porte, au cours des tournées de canvassers, par les dames de la Primrose League et des associations conservatrices.

Ces belles « ligueuses » n’ont pu allumer des passions patriotiques assez ardentes pour déchaîner le grand courant qui balaya les circonscriptions, lors de l’ « élection Kaki » de 1900. Cette quiétude relative de l’opinion publique s’explique par deux raisons. Tout d’abord, avec une extrême habileté, la Wilhelmstrasse a fait coïncider une détente diplomatique avec la période électorale. Jamais campagne n’a été plus adroitement menée. Dès le mois d’octobre, les journaux officieux font retentir les plus doux accords. Puis l’éminent ambassadeur, le comte von Wolff-Metternich