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Les argumens des tories les irritent. Leurs avances les blessent. Ils interrompent, ils réclament, ils murmurent. Un rien suffirait à provoquer quelque fâcheux incident. Si telle est, dans un débat théorique, l’hostilité des chefs de l’armée trade-unioniste, quelle sera celle des soldats incultes et rudes, habitués à dépenser tout ce qu’ils gagnent, pleins du souvenir du pain cher, lorsque des tarifs différentiels auront provoqué une hausse, même légère, des denrées alimentaires ? « Nous sommes plus près que nous ne l’avons jamais été, me disait, quelques instans plus tard, un des membres les plus modérés et les plus fins du Labour Party, de la bataille dans la rue. »

Le résultat du scrutin est proclamé. Pour la première fois, depuis 1846, le libre-échange n’a que 31 voix de majorité. Le Parlement se vide rapidement. Le phare de la tour de Westminster s’éteint. Les rues sont désertes. Le silence est absolu. Les camelots ne crient pas des éditions spéciales. Les passans marchent vite, sans s’arrêter. Et sur le pas des portes, mal abrités contre la pluie qui cingle, des chômeurs en haillons offrent une boite d’allumettes, sans ouvrir la bouche, avec une tristesse résignée.


JACQUES BARDOUX.