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de son livre, où il essaie de justifier sa propre conduite, est pleine d’éloges sur sa personnalité et sur ses exploits en Algérie. En lisant cet ouvrage, on voit que l’auteur, vers les trois heures, à la bataille à Sedan, ne pensait qu’une chose ; recueillir dans cette immense défaite une sorte de gloire personnelle, mais non pas s’efforcer de tenter une trouée, comme il l’avait dit, pour faire passer l’armée française ; car, à cette heure-là, la chose était devenue impossible. L’état des Français était désespéré, et la bataille devait fatalement avoir une issue désastreuse. »

C’est ici qu’il convient d’analyser le travail que l’Empereur a consacré à cette terrible affaire, travail peu connu, car la brochure qui la relate est très rare. Cependant, en 1871, elle fut remarquée en Angleterre et en Allemagne.

L’Empereur commence son récit en rappelant que, dès la déclaration de guerre, il avait laissé entrevoir ses préoccupations et surtout sa tristesse, quand il entendit une foule exaltée crier : « A Berlin ! à Berlin ! » « comme s’il se fût agi d’une simple promenade militaire et qu’il eût suffi de marcher en avant pour vaincre la nation la plus rompue au métier des armes et la mieux préparée à la guerre. » Il savait, ou croyait savoir, que la Prusse pouvait en réalité opposer 550 000 combattans à 300 000 Français. Pour compenser cette infériorité, il aurait fallu devancer l’ennemi, passer rapidement le Rhin, séparer le Sud du Nord et attirer par un coup d’éclat dans notre alliance l’Autriche et l’Italie. L’Empereur reconnaît par là que ces alliances n’étaient encore qu’à l’état de projets. Son plan de campagne, confié à Le Bœuf et à Mac Mahon, consistait à rassembler 150 000 hommes à Metz, 100 000 à Strasbourg et 50 000 à Châlons. Une fois ces troupes concentrées sur ces trois points. Napoléon réunissait les armées de Metz et de Strasbourg, passait le Rhin à Maxau, en laissant à droite la forteresse de Rastadt et à gauche celle de Gemersheim. Il forçait le Sud à la neutralité et allait à la rencontre des Prussiens, pendant que les 50 000 hommes de Châlons se dirigeaient sur Metz avec Canrobert et que la flotte, croisant dans la Baltique, retenait dans le Nord de la Prusse une partie des forces allemandes. Ce qui importait donc, c’était de gagner l’ennemi de vitesse. Mais Napoléon avait compté sans les retards dus aux vices de notre organisation militaire, le mauvais recrutement, la formation défectueuse