Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 56.djvu/661

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans la Nation du Norrland, se préparaient, si elles ne l’étaient déjà, à devenir des professeurs dans les écoles mixtes ou dans les écoles de ménage, des doctoresses, des infirmières, des masseuses, des comptables, des employées de banque ou de commerce, des jardinières ou mêmes des « puéricultrices. » Cette communauté de travail noue entre elles et les jeunes gens des liens de camaraderie souples et commodes, où court parfois le léger fil d’or des fiançailles si facilement rompu.

Minuit sonna. Les bouteilles d’eau de seltz, seuls rafraîchissemens, s’épuisaient. Les graves personnages qui siégeaient devant le piano à queue, le gouverneur, des professeurs et des dames, rappelèrent à cette jeunesse l’heure de la retraite. Aussitôt on éteignit les lumières. Un feu de Bengale empourpra les hautes fenêtres, mais, à ses dernières lueurs, nous vîmes tous les jeunes gens et toutes les jeunes filles assis ou étendus pêle-mêle sur le parquet : ils ne voulaient point partir avant d’avoir prolongé et savouré dans l’ombre le charme de la fête. L’obscurité se fit presque complète, pâlie çà et là d’une jupe ou d’une chemise blanches. Cinq ou six chanteurs se massèrent dans un coin de la salle, et, durant une heure, ils alternèrent les sérénades et les chansons populaires. Leurs bouches invisibles chantaient tour à tour le vieux Neck dont la voix est si triste le soir sur les rivières, la « Danse des Juges » où tous ceux qui s’y rendent doivent sentir leur cœur brûler, les « Ombres Paisibles » et les « Etoiles Filantes »... Regarde-les, et ne souhaite pas le retour du temps passé... Souhaite seulement que les roses les plus rouges refleurissent à la Saint-Jean prochaine !... Cette nuit, as-tu rêvé de ta bien-aimée ?... Que tu es belle, ma petite, lorsque tu regardes ton bien-aimé !... Dans l’intervalle de ces chansons amoureuses, pas un mot, pas un demi-soupir, pas un souffle, pas un froissement d’étoffe ne glissait sur la surface lisse du silence. Les graves personnages observaient le même recueillement. Et la lumière brusquement reparue, qui fit une explosion de couleurs dans cette salle toute jonchée de jeunesse, n’éclaira sur les lèvres roses que le demi-sourire d’un rêve solitaire, et qui s’envole.


UN DINER CHEZ L’ARCHEVÊQUE

Tout se termine en Suède par des chansons mélancoliques ou par des psaumes, les bals d’étudians et les dîners d’archevêque.