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arrivait d’éternuer, tout le monde, évêques, pasteurs, professeurs, avocats et même les paysans qui ont appris les beaux usages, leur répondrait par le vœu scolastique d’Upsal : Prosit !

Ne raillons pas. Les membres de ce Parlement se forment une idée très haute de leur responsabilité. Du reste, riches paysans de la Scanie, naturellement conservateurs, ou paysans pauvres du Norrland, assez radicaux, ce ne sont point des parvenus incompétens. Ils ont presque tous fait leur apprentissage de juristes dans leurs communes où ils remplissaient les fonctions d’assesseurs du juge. Leur élection de députés n’a été pour eux qu’une sorte de promotion ; et ils apportent à la Chambre les qualités qui les avaient désignés à l’estime de leurs concitoyens : une conscience méticuleuse en ce qui concerne l’administration intérieure, une économie des deniers publics poussée parfois jusqu’à l’ignorance des grands intérêts nationaux, mais corrigée par une attention soutenue et aussi par la volonté royale. Ils ont au plus haut point les vertus républicaines et paient très bon marché l’institution monarchique qui leur en garantit le libre exercice. Je ne serais pas étonné que le socialisme obtînt de la justice de ces terriens, si attachés à l’amour de la terre et de la propriété, des avantages plus pratiques que de nos rhéteurs bourgeois. J’admire en eux ce même esprit de discipline que j’ai noté chez les intellectuels d’Upsal, et qui s’affirme du haut en bas de la société suédoise. L’un d’eux me disait : « Pourquoi le Roi ne se réserverait-il pas le choix des Présidens de nos Chambres ? Ne vaut-il pas mieux éviter tous les sujets inutiles de discussion et de division ? » S’ils n’ont pas achevé leur besogne au 15 mai, ils continuent de siéger, mais sans toucher un sou. Cette prolongation de séjour à Stockholm, malencontreuse pour leur bourse, leur fait gros cœur. Cependant ils ne se plaignent pas ; ils admettent que l’Etat, qui ne rétribue point ses sénateurs, traite à forfait avec ses députés ; ils ne jugent pas attentatoire à leur dignité qu’on les considère comme des entrepreneurs de travaux publics et qu’on les paie sur l’ouvrage accompli, non sur le temps qu’ils ont mis à l’accomplir. Ils n’amusent pas l’étranger, certes ! Mais l’étranger les respecte et voit en eux le Grand Conseil Municipal du Royaume de Suède.