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Les traitemens et salaires furent frappés, eux aussi, d’une manière détournée. Il parut impossible de demander à des artisans, à des journaliers l’état réel de leurs gains : l’administration établit l’impôt à forfait. Dans chaque localité, elle procéda à des enquêtes sur le taux moyen des salaires des diverses professions et dressa des barèmes en conséquence. C’est ainsi qu’à Troyes, les tailleurs d’habits étaient « réputés » gagner sept sous par jour, les jardiniers, cinq sous, etc. ; tous les ouvriers des corps de métier étaient censés travailler une moyenne de deux cents jours par an. En Limousin, les tarifs étaient dressés d’après des bases analogues et comportaient des surtaxes pour les petits patrons travaillant avec le concours d’apprentis ou compagnons.

La dernière catégorie, celle des revenus mobiliers, s’appliquait aux rentes foncières ou hypothécaires, aux intérêts des emprunts contractés par les provinces, les villes, les corporations, etc. A une époque où la fortune était presque en entier d’origine immobilière, cette rubrique ne pouvait avoir qu’une très faible importance : aussi dans certaines provinces fut-elle complètement négligée.

Les déclarations devaient être accompagnées de toutes les pièces qui permettaient d’en contrôler la sincérité : baux, contrats de vente, adjudications, etc. Elles étaient centralisées par les municipalités et remises au commissaire désigné par l’intendant pour les examiner. Ledit commissaire devait se rendre dans chaque paroisse et convoquer les habitans en assemblée générale, de préférence un jour de fête ou un dimanche, pour recueillir leurs observations et faire droit aux requêtes dont il reconnaîtrait le bien fondé. Toute personne convaincue de fausse déclaration était condamnée à payer une amende égale au double de la somme dissimulée. Quant aux contribuables qui refusaient de produire l’état de leurs revenus, ils étaient taxés d’après les indications données par les autres habitans et voyaient leurs cotes augmentées d’un tiers.


Telles sont, sommairement exposées, les principales dispositions qui régissaient le fonctionnement de la taille tarifée. A lire les panégyriques officiels, les nouveaux règlemens étaient « doux et humains ; » ils n’engendraient « ni vengeances, ni querelles, ni inimitiés ; » ils n’obligeaient point les collecteurs à