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me rapportent par an un produit net de 1 200 livres, charges déduites. » L’administration ne pouvait accepter des déclarations aussi rudimentaires, qui rendaient tout contrôle impossible ; elle les refusa, et, malgré les protestations des intéressés, les considéra toujours comme nulles et non avenues.

Même en fournissant des relevés détaillés de leurs biens, la plupart des contribuables ne se firent nul scrupule de dissimuler « le plus possible de leur fortune. » « L’infidélité des déclarations données lors de l’établissement du premier dixième est un fait certain et si connu, disait Orry, qu’on est persuadé, avec raison, que les anciens rôles auraient pu monter au double au moins de ce qu’ils ont produit, si les biens avaient été déclarés suivant leurs revenus. » Pour prévenir le retour de ces abus et faire rendre aux nouveaux rôles ce qu’ils devaient légitimement rapporter, le ministre frappa sévèrement les dissimulateurs. « Les sujets de Sa Majesté qui ont fait des déclarations exactes de leurs biens, se trouveraient payer trois fois plus que ceux qui n’ont fourni que de fausses déclarations, et le zèle des premiers se trouverait pour ainsi dire puni dans le temps que ces faux déclarans jouiraient du fruit de l’infidélité de leurs déclarations ; » c’était donc faire acte de justice que d’appliquer strictement les pénalités prévues par les ordonnances, et d’exiger, suivant le cas, des amendes égales au double ou au quadruple des sommes dissimulées. Les intendans montrèrent peu d’empressement à s’engager dans cette voie, craignant de s’aliéner, s’ils faisaient preuve d’une sévérité trop grande, les personnes influentes de leurs généralités, les grands seigneurs, les membres du Parlement, qui considéraient le dixième comme une atteinte à leurs prérogatives et n’hésitaient pas, malgré les ordres du Roi, à soustraire au fisc la majeure partie de leurs revenus.

Dans certaines régions de la France, il fallut pourtant sévir ; les fraudes prenaient de telles proportions que le Trésor se trouvait frustré de sommes considérables. Les Gascons se signalèrent par leurs déclarations fantaisistes et, dans tout le bassin de la Garonne, des villages entiers s’entendirent pour diminuer de moitié ou des trois quarts la valeur de leurs terres, L’intendant de Guyenne finit par se fâcher. En 1750, il ordonna de doubler et même de quadrupler les rôles d’un certain nombre de paroisses où « tous les articles, sans aucune exception, étaient infidèles et frauduleux. » La majorité des habitans en effet avait