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qu’il lui suffit d’une Douma et d’un Conseil de l’Empire, sans qu’il aille se donner encore l’embarras de réunir un parlement ecclésiastique qui voudrait, peut-être, lui aussi, jouera la Constituante, et d’où l’on ne sait trop ce qui pourrait sortir. L’Eglise, à l’heure présente, est sous la main du pouvoir ; il a su s’en servir aux dernières élections, si bien qu’il ne sent plus le même besoin d’en accroître la force, en en accroissant la liberté. Les politiques apprécient peu la valeur des forces spirituelles ; ils peuvent se dire que, pour l’Etat, le plus sûr est de ne voir en l’Eglise qu’un instrument, et que l’instrument le meilleur est le plus inerte.

Aussi, le projet de convoquer un Concile national serait-il déjà peut-être abandonné, s’il n’avait été presque officiellement admis. Une commission, nous l’avons dit, avait été nommée pour préparer la réunion du Concile ; cette commission, après un long examen, a rédigé un projet que la presse a commenté, et que la presse, après l’avoir discuté, ne laissera pas oublier.

Un Concile national, c’était là, pour la Russie de Nicolas II, une chose nouvelle, à force d’être ancienne et désuète. Pour trouver des précédens ou des modèles, il fallait remonter, au delà de Pierre le Grand, jusqu’à la vieille Moscovie des premiers Romanof. Quelle autorité devait convoquer le Concile ? De quelle manière surtout devait-il être composé ? Les évêques y devaient-ils siéger seuls ? ou bien, à côté des évêques, y devait-on admettre des représentans du bas clergé, voire des représentans des laïques, aussi bien que des délégués du gouvernement ? Chez nous, dans l’Occident catholique, un Concile est uniquement une assemblée d’évêques ; bien que, avant 1870 et le Concile du Vatican, les gouvernemens y fussent d’ordinaire représentés. En Orient, s’en rapporte-t-on à l’iconographie byzantine, un Concile est une assemblée d’évêques, réunis autour du trône d’un empereur. Prêtres ou laïques, ce n’était pas ainsi que l’entendaient, en Russie, la plupart des orthodoxes qui réclamaient un Concile national. N’y admettre que les mitres épiscopales, c’eût été, à leurs yeux, faire œuvre archaïque et œuvre vaine. De l’épiscopat russe, sorti du clergé monastique et recruté par les mains réactionnaires de M. Pobédonostsef, naguère encore le tout-puissant procureur du Saint-Synode, comment attendre aucune réforme profonde, aucune initiative libérale ?