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Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 56.djvu/837

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côté d’eux survint un autre günthérien, moins affiché, mais non moins tenace : c’était Reinkens, de Breslau : en mars, traduisant le De consideratione de saint Bernard, il s’était retranché derrière ce docteur pour essayer de persifler la papauté ; en juillet, il avait rédigé un projet de déclaration et publié une brochure contre l’infaillibilité. M. Friedrich, professeur à l’université de Munich, avait, durant la plus grande partie du Concile, vécu dans l’intimité du cardinal de Hohenlohe : il pouvait apporter à Nuremberg la chronique secrète de l’assemblée, telle que bientôt il devait la livrer au public. Un autre de ses collègues, Reischl, semblait représenter avec lui les théologiens de Bavière. Deux exégètes étaient venus de Bonn : Langen et Reusch. La route était longue du lycée de Braunsberg à Nuremberg : deux professeurs pourtant avaient fait le voyage : Dittrich et Michelis. Un mois avant, Michelis, « homme pécheur, mais ferme dans la sainte foi catholique, » avait accusé Pie IX, devant l’Eglise de Dieu, d’être un hérétique et un dévastateur de l’Eglise ; il se hâtait vers Nuremberg pour soutenir l’accusation. Le cardinal Schwarzenberg, enfin, avait expédié de Prague deux spécialistes laïques, et un moine, le Prémontré Mayer. Singulièrement divers d’humeur et d’allure, Michelis et Mayer avaient tous deux, jusqu’au bout, manié contre l’« ultramontanisme » l’arme de la brochure ; l’un, parlant allemand, emporté par sa fougue naturelle, visait et trouvait un vaste public ; l’autre, parlant latin, assagi par sa science même de théologien, n’avait brigué d’autres lecteurs que les Pères du Concile. Vaincus l’un et l’autre, il leur restait cette consolation, d’échanger l’aveu de leurs amertumes, de leurs déceptions fatales.

Ces douze apôtres de l’anti-infaillibilisme acceptèrent une déclaration rédigée par Dœllinger ; non contens de répéter à leur façon les reproches ordinaires dont le Concile était l’objet, ils accusaient l’infaillibilité elle-même de léser les droits des évêques et d’ériger en articles du Credo les actes pontificaux du temps passé, relatifs à la puissance du Pape sur les rois, à la liberté de conscience, aux privilèges du clergé dans la société civile. La déclaration de Nuremberg était le premier acte où ce parti d’Eglise s’essayait à parler en avocat de l’Etat.

Langen, Reusch, Reischl, défendirent que leurs signatures fussent publiées ; un certain découragement oppressait l’assemblée. Lecture y était donnée d’une lettre du Bénédictin Haneberg,