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14 septembre, que la résistance des évêques avait définitivement fléchi. « Qu’on me suspende, si l’on veut, disait-il au cardinal Schwarzenberg ; je puis avoir tort, mais je veux, comme un loyal Souabe, descendre dans la tombe, plutôt que donner un faux témoignage par crainte de Rome. » Deux mois se passaient, et, le 11 novembre, il affirmait encore à ses correspondans de Bonn : « Je ne proclamerai pas le nouveau dogme dans mon diocèse : la plupart l’ignorent ; à l’exception d’un petit nombre, — qui sont surtout des nobles, — le peuple ne s’en soucie même pas, et est très content que l’évêque se taise. » Le nonce de Munich lui demandait quand il ferait sa soumission ; Hefele se raidissait dans le silence. Il commençait, pourtant, à sentir son isolement. « Prendre une position schismatique, protestait-il le 3 décembre, je ne le veux ni ne le puis. Il n’y a pas de schisme, même, à proprement parler ; ceux qui, individuellement, persistent dans leur opposition, sont trop éparpillés, et la masse des laïques, même des prêtres, est trop indifférente. » Il s’enquérait auprès de Simor, auprès de Dupanloup, de ce qu’ils faisaient : Simor et Dupanloup ne répondaient pas. « Je croyais servir l’Église catholique, écrivait-il à Dœllinger le 25 janvier 1871, et je ne servais que la caricature que le romanisme et le jésuitisme en ont faite. Les Romains me maltraitent en me refusant la faculté de donner des dispenses matrimoniales. Que s’inquiète-t-on à Rome de la conscience des gens, pourvu qu’on satisfasse son ambition ? » La marche même du temps abrégeait la patience romaine, et devant Hefele se resserrait l’alternative : quitter son siège d’évêque, et en même temps l’Église, ou bien se soumettre.

Alors que déjà son clergé le « bombardait » et commençait à le traiter de schismatique, il se débattait encore contre cette impérieuse alternative, il ne voulait pas prendre un parti ; il ne voulait pas que Dœllinger en prît un. « Vous et Friedrich, écrivait-il à Dœllinger le 11 mars 1871, ne vous laissez pas, s’il est possible, jeter hors de l’Église ; ainsi, si de nouveau souffle un meilleur vent, vous serez déjà dans la place. Je ne puis penser à ceci : Dœllinger, qui depuis si longtemps, alors que d’autres dormaient encore, combattait à l’avant-garde pour l’Église catholique, Dœllinger, le premier des théologiens allemands, l’Ajax de l’ultramontanisme, va être suspendu, excom, munie, et cela par un archevêque qui n’a pas la centième partie