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chez aucune nation du monde ? Une des causes qui l’expliquent est l’avilissement du parlementarisme. Tandis que les discussions dans la Chambre des Communes étaient, tous les jours, plus vulgaires, plus confuses et que le niveau des compétences y baissait encore plus rapidement et plus visiblement que celui de la rhétorique, la Chambre des Lords recueillait, l’un après l’autre, tous les hommes qui s’étaient distingués dans la politique, les grands parvenus de la finance et de l’industrie. Tennyson y avait représenté la poésie ; Lister et Kelvin y représentaient encore la science. Les orateurs étaient courtois, bien disans, bien informés des sujets qu’ils traitaient, armés d’une logique que l’expérience avait mûrie et contrôlée.

Ce contraste frappait certains esprits. Ils comparaient les résultats de la sélection et ceux de l’élection, et ce n’est pas à l’avantage de celle-ci que tournait la comparaison. L’Anglais juge l’arbre à ses fruits et les institutions aux services qu’elles rendent. La Chambre des Lords avait sauvé l’Angleterre du home rule irlandais. Vienne la Révolution sociale, brandissant son drapeau rouge ou abritée sous la vieille bannière puritaine : la Chambre des Lords lui barrera le passage et la moitié du pays sera debout derrière elle.


III

On sait ce qui se passa aux élections générales de janvier 1906 et le mouvement d’opinion qui changea une majorité unioniste considérable en une énorme majorité radicale. La grande masse flottante qui s’est formée depuis vingt-cinq ans et qui ne se laisse plus enfermer, comme autrefois, dans l’un ou l’autre des deux partis, se porta à la défense du Libre-Echange. Les élections se firent sur cette plate-forme. Dans quelques centres populeux, on se passionna à l’idée que les Chinois venaient travailler dans les mines du Transvaal et retirer le pain de la bouche des ouvriers anglais. Les ouvriers anglais de la métropole qui n’auraient ni su, ni pu, ni voulu se charger du même travail, bouillaient d’indignation à cette pensée et s’empressaient de donner leurs votes aux candidats qui stigmatisaient l’importation chinoise. Cette agitation, d’un caractère purement accidentel et passager, fut un des facteurs du triomphe libéral.

Ce gouvernement, dont l’unique mandat était de s’opposer à la