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Art Poétique renferme les préceptes les plus purs et les plus simples rapportés à la peinture, et aux arts d’imitation. Il est bien malheureux, celui qui ne sait se plaire et profiter de La Fontaine et Boileau et Molière ; aussi n’ai-je pas oublié les deux premiers, et l’autre est à ma disposition. Je suis bien privé de ne point voir le tableau de M. Girodet. Je crois que ce tableau doit être plein de talent. Je vous prie de lui dire, quand vous le reverrez, combien je suis sensible à l’intérêt qu’il me porte...

« Adieu, mon cher monsieur Forestier, vous voudrez bien m’écrire sitôt celle-ci reçue et me dire que vous jouissez d’une bonne santé et qu’on ne saigne plus (Julie]. Je vous embrasse de tout mon cœur et aussi toutes mes chères dames avec qui je vais causer. « Ingres. »

Ingres donnait à entendre qu’il s’était produit, autour de la mort de Suvée, des incidens auxquels, pour sa part, il n’avait pas été mêlé. A l’heure où elle était survenue, Ingres se promenait dans Rome, « après son dîner. » Cela n’empêcha pas certaines bonnes âmes de raconter, à Paris, qu’une attaque d’apoplexie avait foudroyé le directeur de l’Académie de France, tandis qu’il discutait avec deux de ses pensionnaires, dont Ingres. La parfaite bonne grâce dont le directeur intérimaire Paris usa envers Ingres démontrerait, s’il en était besoin, qu’il n’avait pas de reproches à lui adresser. Les bontés mêmes de Suvée, qu’Ingres ne cacha point aux Forestier, parlaient aussi en faveur du pensionnaire et du directeur. Néanmoins, aux premiers récits malveillans que M. Forestier, lequel ne lui en épargnait aucun, lui communiqua, Ingres jugea bon de donner un démenti formel. La vie à Rome commençait à devenir séduisante. Grâce au ministre, heureusement influencé par Suvée, Ingres venait de toucher neuf cents francs d’arriéré, et cela le mettait au pair envers le directeur, tout en lui laissant une avance de plus de cent écus. Enfin il allait travailler sans soucis d’aucune sorte. Et même il pouvait renoncer aux avances de fonds que M. Forestier lui offrait. Il n’attendit pas le courrier ordinaire pour écrire à Paris. Tout de suite il voulut donner la nouvelle de sa libération matérielle :


« Rome, ce 1er avril [1807].

« Mon cher monsieur Forestier, je serai obligé de vous écrire deux fois, car, pour celle-ci, j’en ai à peine le temps, votre dernière