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sape la raison d’être et la force des nations. L’anarchiste chinois veut rester Chinois. Il a sa fierté personnelle et la haine de l’étranger. Tous les journaux, sans distinction d’opinion, travaillent à l’éducation du peuple, à son émancipation morale et politique, en réveillant en lui l’amour du sol natal, et en poussant à la libération du joug ou de la mainmise des Occidentaux.

Ce sont aussi les idées constitutionnelles et libérales, que soutiennent et propagent partout les journaux chinois. On peut juger de leur efficacité sur ce terrain par ce qui vient de se passer au sujet des assemblées provinciales. Ces assemblées nées d’hier avaient été invitées à rester strictement, au cours de leur session, dans la limite de leurs attributions locales et à ne pas s’occuper des affaires de l’Empire. Elles s’y sont conformées et on a dit du bien de leurs délibérations. Il est vrai que les vice-rois ou les gouverneurs qui présidaient ont tenu sévèrement la main à ce qu’elles observassent leur règlement et n’eussent pas hésité à imiter la conduite du gouverneur de Kirin qui a proposé au gouvernement impérial de dissoudre l’assemblée provinciale si celle-ci venait à abuser du droit d’intervention dans les affaires étrangères. Mais le terme de leur mandat expiré, les membres des assemblées provinciales se sont réunis et ont décidé d’envoyer des délégués à Pékin pour solliciter la convocation de l’Assemblée nationale en 1911. Le censorat (cour de l’inspection générale qui a droit de remontrance sur tous les actes du pouvoir) ayant refusé de les concevoir tout en promettant de transmettre leur pétition, tous les journaux, depuis ceux de Canton jusqu’à ceux de Mandchourie, ont fulminé et plusieurs ont publié une série d’articles pour combattre le censorat et montrer l’inutilité de ce rouage gouvernemental. En même temps, à l’instigation de la presse, toutes les provinces de l’Empire adressaient à Pékin des dépêches pour soutenir leurs délégués, et le ministre de Chine en Amérique lui-même envoyait un télégramme à son gouvernement pour appuyer la demande des provinces.

Dans sa réponse faite sous la forme d’un édit solennel, le prince régent, après avis du Grand Conseil, vient de rejeter la pétition en faisant valoir, avec la majesté d’expressions habituelle à ces sortes de pièces, qu’il est nécessaire de donner à l’esprit public le temps de s’accoutumer aux nouvelles mœurs