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Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 57.djvu/224

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par les gens en qui elle avait mis sa confiance, particulièrement en ces dernières années par son neveu Yonglou et Yuan-She-Kaï, faisaient loi et les décisions du Grand Conseil étaient secondaires. Il n’eût pas fait bon d’ailleurs qu’une autorité se levât devant l’ombrageuse impératrice. On savait par quels procédés expéditifs elle s’était, au cours de sa carrière, débarrassée des gêneurs. Le prince Tchouen sut conserver dans le Grand Conseil une attitude effacée qui ne lui suscitât pas d’ennemis et qui ne portât pas ombrage à Tseu-Hsi.

Lorsqu’il fut nommé régent, les Européens à Pékin croyaient qu’un mouvement de réaction allait commencer, on le crut aussi en Europe : ce prince peu connu, pensait-on, ne pouvait être que réactionnaire. Or, il en était bien autrement et, dès les premiers actes de son gouvernement, le régent se révéla, par ses actes, comme un homme de progrès, désireux de voir son pays marcher dans les voies de la civilisation occidentale, et adopter ce qui, dans les institutions étrangères, paraît devoir être profitable à la Chine.

Quelques mois après sa prise de possession du pouvoir, le fameux Yuen-Ske-Kaï, l’homme de confiance de l’impératrice défunte, ministre des Affaires étrangères, était précipité dans une profonde disgrâce. C’est à l’occasion de cette disgrâce que les représentans des puissances à Pékin s’effrayèrent, crurent à une réaction susceptible d’amener une nouvelle affaire des Boxeurs et firent des représentations à la Cour qui ne furent point écoutées.

En réalité, Yuan-She-Khaï, considéré par tous les réformateurs comme le plus grand obstacle aux réformes, était disgracié justement en raison des services qu’il avait rendus à la cause de l’obstruction, et sa chute était une vengeance posthume du défunt empereur Kouang-Siu. On raconte en effet que ce dernier avait laissé un testament secret, confié à sa femme pour le remettre à son frère et suppliant Tchouen de le venger de Yuan-She-Kaï qui avait été cause, depuis dix ans, de l’impuissance où il se trouvait réduit de favoriser le mouvement réformiste. Poussé par sa belle-sœur et les réformateurs, le prince Tchouen exécuta les dernières volontés de l’empereur défunt et, sans les instances du prince King, son parent, président du Grand Conseil, de Tchang-Tsé-Tong, le conseiller écouté, Yuan-She-Kaï aurait eu un sort plus funeste. Certaines mesures qui suivirent montrèrent