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Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 57.djvu/243

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et elle leur survit : il faudra bien maintenant qu’elle soit résolue, et qu’on sache enfin si M. Briand est seulement un habile orateur, ou s’il est un homme d’État. Nous n’avons jamais manqué des premiers, mais les seconds sont plus rares. Il est naturel que M. Briand n’ait pas voulu prendre parti avant la consultation nationale qui allait avoir lieu, et, encore aujourd’hui, il est trop tôt pour le faire, puisqu’il reste à connaître les résultats de t233 ballottages. Que seront-ils ? Nul ne le sait d’une manière certaine, mais tout fait croire qu’ils ne seront pas très différens de ceux du premier tour de scrutin : alors nous pourrons dire, avec plus de force encore qu’aujourd’hui, que le pays s’est arrêté dans le mouvement inconsidéré qui l’emportait vers l’extrême gauche, et que ce dont il a le plus besoin c’est d’un gouvernement qui le rassure. Les réformes qu’on a faites et celles dont on a déjà trop parlé l’ont étonné ; il a refusé d’aller plus loin et il a pris une attitude expectante. S’il ne trouve pas le gouvernement qu’il attend, qu’il appelle de ses vœux, il ne se contentera sans doute pas de s’arrêter, il reculera, ce qui assurément ne serait pas un mal, s’il le faisait avec prudence et mesure ; mais l’expérience nous a appris que ses mouvemens sont quelquefois très brusques, et qu’il lui est arrivé de passer sans transition d’une extrémité à une autre. Ce n’est certes pas ce que nous souhaitons.

Des réformes, M. Briand, dans son discours de Saint-Chamond, nous en a fait entrevoir beaucoup : si la législature qui va s’ouvrir en réalisait seulement la moitié, on n’en aurait pas encore vu de plus féconde. Laissons de côté pour le moment les questions fiscales ; l’occasion d’y revenir se présentera à nous bientôt ; au surplus, des impôts nouveaux, et très lourds, ne sont pas une de ces réformes auxquelles un pays aspire, et tout ce qu’on peut lui demander est de s’y résigner. Quelles sont donc celles qui semblent hanter de préférence l’esprit de M. le président du Conseil ? Ce sont des réformes décentralisatrices. Nous en avons souvent entendu parler ; nous n’en avons vu réaliser que bien peu. L’idée était chère aux libéraux, à la fin du second Empire, de ressusciter la vie provinciale au moyen d’une large décentralisation. Après la chute de l’Empire, on a fait la loi sur les conseils généraux, qui n’a pas produit, à beaucoup près, tous les résultats qu’on en attendait, et la loi qui a donné l’élection des maires aux conseils municipaux, qui n’a pas précisément introduit la paix dans nos communes, mais qui s’imposait sans doute à un régime républicain. En dehors de cela, rien ou bien peu de chose. Pourquoi s’est-on arrêté si vite ? Nul ne l’ignore, et M. le président du Conseil l’a clairement