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JEANNE D’ARC

I
LA FORMATION

« Qu’y a-t-il de plus près de Dieu que le génie dans le cœur d’un enfant ? »
Balzac.


L’année 1909 a été l’année de Jeanne d’Arc. Dès que la Pucelle de France fut proclamée « bienheureuse » à Rome, les catholiques français, qui n’attendaient que ce signal, se portèrent en foule vers son culte. Les fêtes d’Orléans essaimèrent par tout le pays ; dans chaque endroit où Jeanne d’Arc avait passé, on lui éleva un autel. Processions, bannières, encens, prédications, prières, tout le luxe des pompes religieuses lui fut prodigué. Le mois de mai se pavoisa de bleu tendre, de blanc et d’or, se parsema de croix et de fleurs de lys en son honneur. Partout, en France, la vierge fut célébrée… mais non pas par tous les Français.

Une partie, et peut-être la plus nombreuse, de la population voit passer les cortèges et ne s’y mêle pas. Elle regarde, respecte et s’abstient. On dirait d’un désaccord qui naît… Je sais combien est prompt et passant l’esprit de nos Français. Race impressionnable et mobile que tout émeut, qu’un souffle agite, qu’un rien amuse, qu’un mot apaise, dont les pensées, les sentimens, les passions coulent, en torrent, du cœur. Mais, dans sa vivacité légère, ce peuple se trompe, parfois, cruellement. Il se