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et, par conséquent, de la nature des leçons qu’elle transmit à sa fille.

En février 1429, au moment où Jeanne partait de Vaucouleurs pour se rendre à Chinon, sa mère quittait aussi Domremy pour entreprendre en France un voyage presque parallèle. Dès le mois de mai 1428, lors de sa première venue à Vaucouleurs, Jeanne avait déclaré avec insistance à Robert de Baudricourt que Dieu enverrait du secours à Charles VII avant la mi-carême, ce qui ne pouvait, à cette date, s’entendre que de la mi- carême de l’année suivante. Elle le priait « qu’il mandât au Dauphin de se bien tenir et qu’il n’engageât pas la bataille contre ses ennemis, parce que son Seigneur Dieu lui enverrait du secours avant la mi-carême, » Cette date était évidemment, pour certaines raisons, fixée en son esprit.

Quand elle revint, l’année suivante, fidèle au rendez-vous qu’elle s’était assigné à elle-même, elle se présenta au début du carême. Baudricourt, quoique mieux disposé à l’entendre, tardait à répondre. Probablement, il avait envoyé à la Cour pour savoir ce qu’il devait faire. Jeanne montrait une impatience extrême ; « le temps lui pesait, disait-elle, comme à une femme prête d’accoucher[1]. »

Cette date de la mi-carême 1429, à laquelle elle subordonne tout, était celle, en effet, où, d’autre part, sa mère, Elizabeth Romée, devait partir pour assister aux fêtes du jubilé qui allaient se célébrer, le 23 mars, au sanctuaire de Notre-Dame du Puy-en-Velay.

Enfin, Baudricourt se décide. Jeanne d’Arc quitte Vaucouleurs, probablement le 23 février[2], juste à temps, un mois avant la date solennelle. Sa mère dut partir au même moment ; car, s’il fallut à Jeanne, bien montée et fortement accompagnée, chevauchant avec une rapidité qui parut extrême à ses compagnons, onze jours pour aller de Vaucouleurs à Chinon, on pense que la pieuse pèlerine faisant la route avec les foules, à

  1. Sur tous ces points, voir la déposition de son compagnon de route, Bertrand de Poulengy. Procès, II, 456.
  2. Voyez le marquis de Pimodan. la Première étape de Jeanne d’Arc, Champion, in-8. — Sur la date du départ de Vaucouleurs et sur la date de l’arrivée à Chinon, il y a débat. Voyez le Mémoire de M. de Boismarmin sur l’Arrivée de Jeanne d’Arc à Chinon, dans le Bulletin du Comité des traditions historiques et scientifiques, 1890, p. 350-339, qui opine pour l’arrivée à Chinon, le 23 février. Mais la date du 6 mars, après onze jours de voyage, est généralement admise. V. Morosini, III, p. 45, note de M. Lefèvre-Pontalis.