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« prose, » en l’honneur de la Vierge, et dont l’auteur est inconnu, doit remonter au moyen âge. Réminiscences ou pressentimens, certaines analogies dantesques s’y rencontrent. Le fameux vers par où commence la prière de saint Bernard et le dernier chant du Paradis :


Vergine madré, figlia del tuo figlio,


ne paraît que la « matière » développée en ce tercet de la cantate, où par trois fois se renouvelle la même anthithèse et comme le même jeu d’idées et de mots :


Genitorem genitura,
Creatorem creatura,
Patrem parit filia.


L’ensemble du « poème » comprend six périodes, ou strophes, inégales, auxquelles vient s’ajouter, en guise de conclusion, l’antienne liturgique : tota pulchra es, Maria. Sur ce long cantique à la Vierge, le jeune prêtre musicien a répandu le flot paisible et pur d’une virginale tendresse. Pour éviter la monotonie, autant que pour suivre le double penchant de sa nature, il a partagé la cantate entre l’élégie et le drame, l’un et l’autre sacrés. Mais la première, en général, y garde l’avantage. Musique dynamique ou statique, diraient les savans, active ou contemplative, dirons-nous plus modestement, le musicien de la seconde musique est ici presque toujours le meilleur. Ce sont deux choses tout à fait délicieuses que les deux soli pour soprano solo avec reprise des chœurs. Analogues par le sentiment de mystique suavité, par la composition, le mouvement et l’allure, ils diffèrent pourtant, par le dessin mélodique d’abord et puis par maint détail d’accompagnement, de rythme, d’accent ou d’inflexion, et de sonorité. La première cantilène surtout nous paraît l’exemplaire accompli d’un art très simple, très sincère, très pur (le mot revient sans cesse) et que nous ne connaissons plus guère. Il est digne et il est juste, il est équitable et salutaire de le reconnaître et de le saluer avec joie. Où donc, et de quel style, Chateaubriand a-t-il dit qu’il y trouvait je ne sais quelle « longueur de grâce ? » Tel est, avant tout autre, le caractère de la cantilène perosienne. Elle se développe avec ampleur, elle est l’effusion abondante et chaude d’une âme et d’un amour généreux. Égale, unie, elle évite cependant la platitude et la raideur. Elle aime les détours élégans et se plaît à monter comme à descendre une pente légère. Tout en n’étant que mélodie, elle est cependant une ordonnance, une économie, un organisme. Symétrique et non rigoureuse, elle se divise