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Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 57.djvu/476

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semblait se plaire parmi nous, il y plaisait à tous. Les amusemens de Paris, la liberté dont on y jouit, l’esprit et l’élégance qui y accompagnent les qualités sérieuses, avaient pour lui un grand charme. Doué d’une heureuse faculté d’observation qui s’appliquait à tout, sans y appuyer, il avait manifesté le désir de connaître quelques-uns de nos hommes politiques les plus en relief et avait eu avec eux de longues conversations. Il avait beaucoup vu, beaucoup comparé et, sous des airs détachés, beaucoup réfléchi. C’est ainsi que s’était faite son éducation politique. Ceux qui le voyaient de près étaient frappés de son rare bon sens. En Angleterre, il remplissait très exactement les devoirs qui lui incombaient. Toutes les fois qu’il se montrait en public, il le faisait avec beaucoup de dignité. Il parlait bien, avec précision et avec tact. Mais c’était surtout dans les relations privées que sa bonne grâce et son aisance parfaite exerçaient alors une grande séduction. Tel était le prince de Galles au commencement de l’année 1901. On se demandait ce qu’il allait être comme roi. Les souvenirs laissés par la reine Victoria risquaient d’être écrasans pour lui, tant le règne de la vieille Reine avait été heureux et prospère, tant sa personne même avait été, surtout dans les derniers temps, entourée de prestige. Les appréhensions qu’on avait pu concevoir n’ont pas tardé à se dissiper. Il semblait que le nouveau Roi eût le pressentiment qu’il n’avait pas de temps à perdre. Il donna tout de suite sa mesure par la netteté et la promptitude avec lesquelles il sut orienter la politique de son pays dans un sens déterminé, et cela sans sortir des limites étroites où l’enfermait son rôle constitutionnel. Son influence, pour avoir été discrète, n’en a pas été moins efficace. Sans doute, elle s’exerçait toujours conformément aux vues de son gouvernement et il ne pouvait pas en être autrement ; mais, par une rencontre bienfaisante, à travers la succession des partis au pouvoir, l’accord a toujours été complet, au moins dans les questions extérieures, entre le Roi et ses ministres, et la collaboration qui en est résultée a été des plus fécondes. Pour les motifs que nous avons indiqués plus haut, le roi Edouard était peut-être l’homme d’Angleterre qui avait à l’étranger le plus de relations personnelles, et de relations de tous les genres ; il connaissait tout le monde politique européen et lui inspirait généralement sympathie et confiance ; aussi son action personnelle a-t-elle été très grande, et on trouverait difficilement dans l’histoire un souverain qui, par son influence propre, ait mieux servi la politique de son pays.

Lorsqu’il est arrivé aux affaires, l’Angleterre était engagée, et elle l’était aussi mal que possible, dans la guerre sud-africaine. Tout le