Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 57.djvu/478

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

encore trop récens ! Le Roi s’en embarrassait peu, il accomplissait un acte réfléchi, il déployait une volonté ferme ; il comptait sur notre propre intelligence de la situation : en quoi, il ne s’est pas trompé L’entente cordiale, comme on a dit en ressuscitant un vieux mot, est devenue chez nous rapidement populaire. Nous avons réglé d’un seul coup, par les arrangemens de 1904, toutes les questions qui étaient en suspens, entre l’Angleterre et nous, et dont quelques-unes, on s’en souvient, avaient pris un caractère assez aigu. Dégagée des entraves du passé, l’entente avait les voies ouvertes devant elle.

Les Anglais ont un grand mérite, que le roi Edouard possédait lui-même à un très haut degré : lorsqu’ils ont adopté une politique, ils la pratiquent sans s’arrêter aux difficultés de détail, sans se laisser distraire par les incidens ou les accidens qui peuvent survenir. Depuis 1904, nous les avons trouvés à côté de nous dans toutes les questions pour lesquelles ils nous avaient promis leur concours, et ils ne s’en sont même pas tenus là, ils ont, dans l’ensemble, mis leur politique d’accord avec la nôtre. Puisque tous les prétextes de conflits avaient été supprimés, l’accord devait facilement se faire et il s’est fait sur tous les points, au jour le jour, en vertu d’une bonne volonté générale qui présidait à tout. C’est surtout au moment de la Conférence d’Algésiras que l’entente franco-anglaise s’est manifestée de la manière la plus frappante. Les faits sont trop connus pour avoir besoin d’être rappelés, et nous craindrions d’ailleurs, en le faisant, de réveiller des souvenirs qu’il vaut mieux laisser dormir. Nous nous contenterons de dire que la Conférence a reconnu nos droits spéciaux, et ceux de l’Espagne, sur le Maroc, et que les principes énoncés par nous, dès le premier jour, ont été finalement reconnus et sanctionnés par tous. C’est principalement à l’Angleterre que nous avons dû ce résultat. L’entente cordiale avait fait ses preuves. Quand même le règne du roi Edouard VII n’aurait été marqué que par cette œuvre capitale, il aurait été un règne important.

Mais une œuvre nouvelle, une œuvre complémentaire est venue s’ajouter à la première pour lui apporter une consécration définitive. Nous étions les alliés de la Russie, nous devions désirer qu’elle devînt comme nous l’amie de l’Angleterre. Un proverbe populaire dit que les amis de nos amis sont nos amis, mais il n’est pas toujours vrai dans le domaine diplomatique. Si notre rapprochement avec l’Angleterre s’était fait rapidement et facilement, il ne devait pas en être de même du rapprochement de l’Angleterre et de la Russie Les intérêts des deux pays avaient été longtemps en opposition et