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avoir donné hier un premier avertissement, lui donnera sans doute dans quatre ans son congé définitif. Malheureusement pour lui, il ne s’est pas honoré dans les élections dernières. L’âpreté avec laquelle il a mis en mouvement toutes les forces administratives pour agir en sa faveur sur le corps électoral montre qu’il continue de faire passer son intérêt personnel avant tous les autres et qu’il n’a renoncé à aucun de ses procédés. Les journaux ministériels disent que ces élections ont été les plus libres qu’on ait vues et qu’elles expriment très exactement la volonté du pays. Nous ne savons pas quelles instructions le gouvernement a données à ses préfets, mais nous savons fort bien que la plupart de ceux-ci ont fait de la candidature officielle, comme aux meilleurs temps du combisme : seulement, ils ont été moins heureux dans les résultats. Sur plusieurs points, le pays s’est lassé et révolté. Sur d’autres, les candidats du gouvernement, ou, si on préfère, de la préfecture, ont passé, mais avec des majorités si faibles que leur échec n’aurait pas fait l’ombre d’un doute si la pression officielle ne s’était pas exercée avec force sur les électeurs. Peut-on soutenir, dans ces conditions, que la Chambre est l’image exacte du pays ?

Mais laissons tout cela : les élections sont acquises ; c’est demain qu’il faut regarder et non pas hier : que sera demain ? Pour le dire, il faudrait savoir si le parti radical et radical-socialiste saura s’affranchir de la crainte respectueuse que lui inspire le socialisme unifié, ou même le pur anarchisme, crainte qui n’a pas été pour lui le commencement de la sagesse, et qui l’a porté au contraire aux plus basses complaisances et aux concessions les plus coupables. Si les socialistes unifiés reviennent plus nombreux à la Chambre, c’est parce que les radicaux leur en ont facilité l’accès : ils ont d’ailleurs été victimes de cette tactique, la plupart des sièges qu’ils ont perdus ayant été, comme de juste, occupés par des unifiés. Nous n’avons pas, disaient-ils, d’ennemis à gauche : alors, leurs électeurs les ont abandonnés pour aller eux-mêmes un peu plus loin dans cette direction.

L’anarchisme lui-même, et le plus pur, entre à la Chambre avec M. Goude, le nouveau député de Brest, dont l’élection est encore plus significative par la façon dont elle s’est faite que par la personne même de l’élu. Et pourtant, cette personne n’est pas indifférente ! On n’a certainement pas oublié le rôle que M. Goude a joué à Brest, soit à la mairie, — il a été adjoint au maire, — soit surtout à l’arsenal où il a provoqué plusieurs grèves par les procédés les plus révolutionnaires. Le ministre de la Marine de cette époque, M. Camille